MMO F2P : un marché concurrentiel, voire peu rentable ?
Quand bien même le marché global du « free to play » progresse et accueille toujours plus de joueurs, il se partage entre des acteurs de plus en plus nombreux. Jusqu'à saturation ? Peut-être.
On le sait, seule une minorité de joueurs achète du contenu dans les boutiques de MMOG gratuits (en moyenne, selon les portails que nous avons rencontré, entre 1% et 10% des joueurs seulement franchissent le cap du paiement ; de l'ordre de 5% des joueurs occidentaux paient entre 5 et 100 dollars par mois, contre 10% à 15% en Corée). Les portails de MMO F2P sont donc condamnés à attirer un nombre de joueurs élevés, simplement pour assurer les coûts de fonctionnement de leurs jeux. Et si l'on en croit Jessie Qun REN et Philip Hardwick de la Business School de l'Université de Bournemouth en Grande-Bretagne, à l'occasion d'une conférence sur les « Innovations en matière de modèles économiques sur le marché du jeu en ligne en Chine » lors du Mindtrek 2008 début octobre dernier, le F2P pourrait être condamné à la sclérose. En Chine, où le « free to play » s'est popularisé, les deux chercheurs constatent que les éditeurs de jeux en ligne font marche arrière et ont tendance à délaisser le modèle gratuit pour adopter un modèle de paiement « au temps de jeu ». Entre autres motivations, le « free to play » générerait « de trop faibles revenus pour financer le renouvellement de la production et assurer un support et des services de qualité suffisante ».
En d'autres termes : au jour d'aujourd'hui et alors que la seule gratuité ne suffit plus à se distinguer de la concurrence (on l'a vu, depuis quelques mois, l'offre est pléthorique), le développement et l'exploitation d'un titre original devient trop cher au regard des revenus que peuvent générer les MMORPG gratuits. D'autant que, selon les deux hommes, les MMO F2P souffrent en outre d'une double mauvaise image auprès des joueurs : que ce soit justifié ou non, pour beaucoup, la gratuité induit une piètre qualité ; et le fait de payer du contenu dans une monnaie bien réelle induit une inégalité entre les joueurs selon leur richesse personnelle (quand bien même les objets mis en vente dans les MMO gratuits sont généralement purement cosmétiques). Autant de raisons rendant à nouveau séduisant aux yeux des éditeurs asiatiques, des modèles économiques à base de facturation à l'heure de jeu ou de forfaits au mois.
Le « free to play » asiatique en berne ?
Et de la théorie à la pratique, il n'y a qu'un pas. Si un MMO comme Lineage était un modèle d'originalité il y a quelques années, le concept parait éculé aujourd'hui et les ténors du MMO asiatique s'en aperçoivent à leur dépend. Après trois ans d'exploitation, Nexon (MapleStory, KartRider) envisage de fermer définitivement les serveurs de ZerA, un MMO à gros budget (5,3 millions d'euros) mais qui n'a jamais franchi les frontières de la Corée où il accueillait moins de 40 000 joueurs ces derniers mois. Malgré un investissement de 6,44 millions de dollars, Webzen peine aujourd'hui à rentabiliser son MMO Soul of the Ultimate Nation (SUN) au point de devoir accepter une reprise partielle de la société par le groupe NHN (à hauteur de 23% du capital, obligeant Kim Nam-joo, fondateur et CEO de Webzen, à démissionner). Idem chez HanbitSoft : en mai dernier, Kim Young-man démissionnait suite à l'échec de Granado Espada et la gestion de l'affaire « Hellgate: London »...
Dans le même temps et a contrario, NCsoft revendique sa place de leader de l'industrie du MMO en Corée, mais surprend la presse locale en confirmant que son prochain titre phare, Aion: The Tower of Eternity, sera financé par un abonnement mensuel, même en Asie. Et même si c'est un « sujet très sensible » pour NCsoft qui n'a pas encore dévoilé le montant de son abonnement en Asie, le jeu sera « payant », la gratuité ne pouvant couvrir les frais de fonctionnement du jeu.
Faut-il y voir la mort annoncée du « free to play » et le phénomène constaté en Asie est-il transposable au marché européen ? On se gardera d'émettre la moindre réponse catégorique. Mais même si les leaders du secteur n'ont sans doute pas beaucoup de craintes à avoir (Julien Wera, du portail gPotato, nous affirmait il y a quelques mois que le modèle F2P était largement rentable en Europe), on pourra néanmoins supposer que les joueurs européens sont au moins aussi exigeants que les joueurs chinois et que les coûts de développement ou d'exploitation en occident sont infiniment plus élevés qu'en Asie. Pour autant, le salut pourrait venir d'un nouveau type de jeux.
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