Crowfall se lance sur IndieGogo : quand les contributeurs sont invités à devenir investisseurs

Le crowdfunding invite les joueurs à contribuer au financement des projets dans lesquels ils croient, mais sans espoir de retour sur investissement. Le micro-investissement émerge avec des promesses de rétributions et le studio ArtCraft invite les joueurs à investir dans son capital.

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En l'espace de quelques années, le financement participatif est devenu une composante essentielle de l'économie de l'industrie du jeu (indépendant, mais pas que) et une alternative sérieuse aux levées de fonds auprès d'investisseurs traditionnels.
On connait les différences entre les deux méthodes de financement : les investisseurs engagent généralement des sommes importantes (qui, en principe, doivent suffire à concrétiser un projet, mais sans garantie de succès), dans l'espoir d'un retour sur investissement financier important, à la hauteur du risque pris. Les contributeurs de campagnes de financement participatif sont également soumis à un aléa (ils n'ont aucune garantie que le projet soutenu arrivera à terme ou même dans un état proche de celui initialement annoncé), mais la contribution n'a pas vocation à être amortie, elle vise simplement à soutenir un projet et la rétribution est généralement symbolique (une copie de jeu par exemple).
Chacun son rôle, ses risques et ses rétributions.

Inégaux devant l'investissement ?

Le distinguo est clair et organisé par la loi. Pour éviter les désillusions d'investisseurs amateurs autant que celles de sociétés en quête de financements pour vivre, la loi (américaine) impose une certaine santé financière aux financeurs privés (pour obtenir un agrément, il faut pouvoir revendiquer d'au moins 200 000 dollars de revenus annuels ou d'un patrimoine d'au moins un million).
Le principe se veut protecteur mais se heurte aujourd'hui aux réalités du financement participatif. Le cas le plus célèbre est sans doute celui d'Oculus VR : le studio a levé plusieurs millions de dollars auprès des joueurs sur Kickstarter et ce sont ces fonds des micro-contributeurs qui ont permis de concrétiser la conception de l'Ocuus Rift. Pour autant, lorsque Facebook a racheté Oculus VR quelques mois plus tard pour deux milliards de dollars, les contributeurs ont dû se contenter d'un exemplaire du casque 3D quand les investisseurs ont pu multiplier drastiquement leur mise initiale (le jeune Palmer Luckey serait ainsi aujourd'hui à la tête d'une fortune de plusieurs centaines de millions de dollars).
Un exemple isolé, pas forcément reproductible, mais qui fait dire à certains que les contributeurs ne sont pas égaux devant l'investissement : les plus fortunés ont un accès à l'investissement lucratif quand les autres doivent se contenter de contributions non rémunérés.

La donne évolue néanmoins et certaines plateformes de financements participatifs se lancent aujourd'hui sur le marché naissant du micro-'investissement, afin de proposer aux internautes, collectivement, des offres d'investissements (rémunérés) et non plus simplement de contributions financières.

ArtCraft se lance sur Indiegogo

La plateforme Indiegogo se lance ainsi sur ce nouveau marché (le micro investissement, donc), dans le cadre d'un partenariat avec MicroVentures, qui dispose des agréments nécessaires auprès de l'Autorité américaine de l'industrie financière, avec la promesse de mettre en relation, d'une part, des studios de développement indépendants, et d'autre part, des particuliers prêts à investir dans le capital de start-up, dans l'espoir d'un retour sur investissement à hauteur de leur contribution.

Récolte

Et aujourd'hui, après avoir déjà levé 1,8 millions de dollars sur KickStarter, pour atteindre aujourd'hui un total de plus de 10 millions de dollars de contributions récoltées auprès des joueurs (notamment via la boutique du site officiel), le studio ArtCraft Entertainment tente l'aventure du micro-investissement dans le cadre d'une campagne d'investissement sur Indiegogo, visant à lever de nouveaux fonds -- pour une mise minimum de 100$, tout internaute peut donc entrer dans le capital du développeur de Crowfall.
Une occasion supplémentaire pour ArtCraft d'augmenter sa capacité financière (en moins de 24 heures, le studio a déjà levé plus de 22 000 dollars et la campagne doit durer encore plus de deux mois) et les joueurs / investisseurs devraient bénéficier du succès du MMO le moment. Si tout va bien.

Une part de risque

Évidemment, tout investissement présente toujours une part de risque. Selon l'INSEE, on sait par exemple qu'en France, un peu moins d'une société sur deux ferme ses portes avant de passer l'âge de cinq ans (la statistique est sensiblement similaire aux États-Unis). Et parmi celles qui survivent, rares sont celles à réaliser des bénéfices avant plusieurs années, susceptible d'en redistribuer une part à ses investisseurs.

En outre, l'investissement privé impose un coût et un formalisme bien plus lourd que la simple contribution financière ou même que l'achat d'actions (pour une société cotée en bourse). À titre de comparaison, dans le cadre d'une campagne de financement participatif traditionnel, Indiegogo perçoit 5% des sommes levées sur la plateforme. Dans une campagne de micro-investissement, la création de la campagne est facturée 7000$ à la start-up, la plateforme perçoit 7% des sommes levées et s'arroge 2% en actions. Parallèlement, les investisseurs sont facturés également à hauteur de 7$ de frais lors de l'achat ou 2% de leur investissement. En outre, par définition, les petits investisseurs ont généralement de petits moyens et les fonds levés dans le cadre de micro-investissements sont parfois loin d'atteindre les sommes de l'investissement traditionnel (sur Wefunder, une autre plateforme de micro-investissement, 76% des contributeurs investissent à hauteur de moins de 500$ -- on est loin des deux milliards de Facebook).
Et une fois investisseur, les parts d'une start-up s'avèrent aussi très peu liquides -- leur revente suppose également un coût et le respect des conditions administratives strictes. Se désengager est donc un processus complexe.

On le comprend, investir est loin d'être une activité aussi anodine que contribuer à une campagne de financement participatif. Raison pour laquelle, sans doute, KickStarter annonce ne pas souhaiter se positionner sur ce nouveau marché -- officiellement, la plateforme leader du financement participatif voit l'investissement comme « un frein à la créativité ». L'espoir d'un retour sur investissement obérerait la capacité créatrice d'un studio quand une contribution (presque) désintéressée l'encouragerait. Plus officieusement, on imagine aussi que la plateforme rechigne à s'engager sur un marché supposant inévitablement de devoir gérer les litiges qui pourraient naitre entre start-up et investisseurs amateurs. On sera néanmoins curieux de découvrir le montant que le studio ArtCraft parviendra à lever auprès des joueurs investisseurs et dans quelle mesure d'autres studios tenteront ou non une aventure similaire.

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