La Lettre de JeuxOnLine - Octobre 2017

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Il semble évident aujourd’hui que le sport électronique est devenu partie intégrante de l’industrie du jeu (en ligne) : tous les exploitants d’envergure ou presque se doivent d’avoir au moins un jeu compétitif dans leur catalogue et tous les exploitants ou presque multiplient les initiatives visant à encourager les joueurs à suivre, voire à participer à leurs tournois. L’e-sport est néanmoins encore une pratique jeune et si d’aucuns lui promettent déjà un avenir radieux, on peut s’interroger sur la capacité du secteur à s’adresser au grand public -- l'e-sport deviendra-t-il un jour aussi populaire (au sens propre) que le sport traditionnel ? Et y aura-t-il un jour davantage de spectateurs d’e-sport qu’il n’y aura de joueurs, comme c’est par exemple déjà le cas pour nombre de sports ?

Les acteurs majeurs de l’industrie du jeu font ce pari et s’il y a bien un studio de développement passé maître dans l’art de démocratiser des genres vidéo ludiques jusqu’alors réservés à un public de niche, c’est bien Blizzard. Raison pour laquelle on s’intéresse volontiers aux initiatives du studio en la matière : car si le studio organise des championnats comme la plupart de ses homologues, le studio mise aussi sur une ligue (l’Overwatch League), sur le modèle des ligues américaines de sports traditionnels (ou de la ligue que tente d’installer Riot Games pour League of Legends mais avec manifestement un tantinet moins d’ambition).
Au cours de ce mois de septembre, Blizzard a ainsi officialisé le planning de l’Overwatch League, qui débutera donc en janvier 2018, avec douze franchises. Et les équipes de la ligue se préparent à en découdre. On a ainsi découvert les « Shanghai Dragons », l’équipe de NetEase basée en Chine. On a aussi découvert la composition de l’équipe de NRG Esports, titulaire de l’une des franchises de San Francisco. Et elle est significative, notamment sur un plan financier.
D’abord, au-delà du nom des membres de l'équipe, on note les conditions auxquelles certains d’entre eux ont été recrutés. Par exemple, le studio a recruté huit joueurs (là où six suffisent pour monter une équipe) notamment parce que deux d’entre eux, Jay « sinatraa » Won et Matthew « super » DeLisi, sont encore mineurs -- ils ne pourront donc pas jouer dans la ligue, mais l’équipe parie sur leur avenir et entendent donc se les attacher dès à présent et pour un budget significatif puisque Jay « sinatraa » Won a un contrat annuel de 150 000 dollars, soit trois fois plus que le montant minimum fixé par le règlement de la ligue. Non seulement NRG Esports croit en l’avenir de l’e-sport et de l’Overwatch League, mais le processus « d’achat » de joueurs se met en place avant même que la première saison ne soit jouée.
Et le financement de l’équipe n’est pas anodin non plus puisque NRG Esports indique avoir levé 15 millions de dollars pour développer ses activités. La somme est significative pour le jeune milieu de l’e-sport mais les investisseurs le sont tout autant : Marshawn Lynch et Michael Strahan de la NFL (la ligue de football américain outre-Atlantique), Alex Rodrigeuz, batteur retraité des Yankees de New York, mais aussi Shaquille O'Neal, l’ancienne super star du basket américain ou encore l’actrice Jennifer Lopez. Des personnalités de « l’industrie » du sport et des « stars » connues du grand public qui pourraient contribuer à faire connaitre l’e-sport au-delà du cercle fermé des seuls joueurs.

Car c’est bien là que le bât blesse actuellement. L’industrie du jeu est à l’évidence prête à investir des sommes considérables pour développer l’économie de l’e-sport, mais la notoriété de la pratique et plus encore celle des joueurs professionnels est balbutiante.
Au cours de ce même mois de septembre 2017, le cabinet YouGov a publié une étude établissant qu’entre 40% et 45% seulement des occidentaux ont conscience de ce qu’est l’e-sport -- 77% des Chinois mais seuls 35% pour les britanniques dont seulement 7% ayant déjà regardé un match. Une majorité significative (et même écrasante chez ceux ne regardant pas de matchs) considère que l’e-sport ne sera jamais aussi populaire que le sport traditionnel, que l’e-sport n’est pas un sport et plus encore que les joueurs pro ne sont pas des athlètes. De même, les sondés n’envisagent pas d’abandonner l’un de leurs loisirs pour suivre des matchs de sport électronique. La démocratisation de l’e-sport serait donc une cause perdue ? Peut-être pas, car la même étude note des différences drastiques selon l’âge des sondés : sans surprise, les plus jeunes sont les plus réceptifs à l’e-sport quand les plus âgés y sont majoritairement réfractaires. En d’autres termes, le temps (comme Jennifer Lopez) joue pour l’e-sport.

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