Rencontre-Débat « MMOG, du virtuel au réel »

Dossier consécutif à la consultation

par le Forum des Droits sur l'Internet (24 juin 2006)

 

Pour détecter ces pratiques, les éditeurs de jeux s’appuient sur des moyens à la fois techniques et humains. Techniquement, ils veillent à maintenir à jour les logiciels et mettent en place des outils de contrôle des activités répétitives sur les serveurs. Ils peuvent aussi installer des logiciels de contrôle de l’activité du poste du joueur. Ce type de logiciel ne va pas sans poser des problèmes de respect de la vie privée des joueurs.

Humainement, les éditeurs s’appuient sur les animateurs de jeu et sur les joueurs pour dénoncer les comportements contraires à la règle, ce qui entraîne les mêmes interrogations en matière de délation que dans le cas des « lignes éthiques », bien que les conséquences soient ici moins graves (voir notamment sur ce point le Dossier « Relations du travail et internet » publié par le Forum des droits sur l’internet le 26 janvier 2006).

Enfin, les procédures de sanction peuvent susciter des critiques de la part des joueurs lorsque le principe du contradictoire n’a pas été respecté.

 

Dans les cas les plus graves, les faits sont constitutifs d’infractions et peuvent entraîner des sanctions pénales pour leurs auteurs : intrusion ou maintien dans un système de traitement automatisé de données, escroquerie, contrefaçon, collecte illicite de données personnelles sont applicables à certains des comportements décrits précédement.

Dans les faits, peu de sanctions ont été prononcées. On peut néanmoins citer le cas de tricheurs coréens condamnés à 24 mois de prison avec sursis et à l’équivalent de 8 300 euros d’amende (référence).

 

B. La régulation partagée par l’ensemble des acteurs du jeu

L’omniprésence du développeur et de l’éditeur dans le bon fonctionnement de l’environnement de jeu ne doit pas masquer la particularité des MMOG, qui est d’accorder un rôle privilégié aux joueurs et aux guildes dans la régulation du jeu. La communauté des joueurs d’un serveur est le premier acteur de la régulation des comportements en jeu.

Comme l’indique Uther plus largement, « la communauté est sans doute un facteur important dans le succès commercial d'un MMO, mais surtout de sa vie au quotidien. La communauté détermine la vie d'un monde virtuel au-delà des choix des développeurs. Les rapports que peut entretenir une communauté avec cette équipe de développement est à mon avis, un aspect pertinent méritant d'être abordé. Tout comme les limites raisonnables qu'une équipe de développement devrait sans doute s'imposer à l'égard de "ses" joueurs. » (Contribution)

À travers l’organisation sociale des joueurs et les canaux de discussion, la communauté participe à la bonne marche du jeu et au respect des règles. L’organisation sociale des jeux a ceci de particulier qu’elle est assez fortement hiérarchisée. De nombreux groupes, clans ou guildes fleurissent et superposent leur organisation à celle prévue par le jeu. Il existe autant de formes de guildes que de joueurs. Les guildes les plus influentes reprennent en général des principes de fonctionnement communs.

Les guildes sont organisées comme des micro-États et sont souvent dotées d’un univers propre : une constitution établissant les pouvoirs respectifs des membres ainsi que les conditions d’entrée, de promotion et de sortie de la guilde ; un site web ou au moins un forum de discussion, etc.

Comme le rappelle Giovanni Brisset, fondateur et ancien dirigeant de la guilde Fëar Morniëo sur le serveur Ys de Dark Age of Camelot, le chef de guilde est investi d’une mission sociale sur le serveur. Il doit veiller au respect de la charte du jeu et s’assurer que ses membres respectent des règles élémentaires de vie en commun. La plupart des guildes prévoient des sanctions en cas de manquement à l’étiquette.
Cette forme de censure des joueurs par les joueurs évite les débordements les plus graves. En cas de difficulté, les joueurs ont la possibilité de contacter des animateurs / maîtres de jeu, chargés d’assurer la police du jeu de manière plus contraignante.

Le rôle des groupements de joueurs ne s’arrête pas à la modération des ardeurs. Ils peuvent concourir à fixer de nouvelles règles au sein du jeu. Ainsi, des guildes ont pu conclure des pactes en jeu, définissant les règles de guerre admissibles dans le jeu. Ce fut notamment le cas de la guilde Fëar Morniëo, qui conclut les accords d’Emain Macha, par lesquels les principales guildes influentes du serveur déterminèrent les horaires d’attaque des royaumes ennemis. Il s’agit là bien entendu d’une règle s’appliquant entre les personnages.

Les joueurs peuvent également conduire les éditeurs à changer la charte d’utilisation du jeu ou à reconsidérer sa position sur la triche. Ainsi, alors que les logiciels de dialogue vocal à distance (comme Teamspeak) étaient prohibés sur les serveurs de Dark Age of Camelot, les joueurs sont parvenus à obtenir un changement des règles et du fonctionnement du jeu.

Certains jeux intègrent même dans leur structure la possibilité d’être aménagés par les joueurs. Alors que des jeux comme World of Warcraft se contentent de permettre un changement de l’interface utilisateur, d’autres vont plus loin et proposent aux joueurs d’adopter ensemble les règles du jeu et de faire évoluer celui-ci en fonction de leurs désirs. A Tale in the Desert, que présentait Nicolas Chollet lors de la rencontre-débat, repose sur le principe d’une évolution du jeu choisie par les joueurs.

Enfin, les univers persistants décentralisés impliquent davantage la communauté des joueurs, chacun ayant la faculté d’apporter sa contribution à l’univers virtuel en créant une partie de celui-ci. Le joueur change alors de statut et devient créateur.

 

IV. Protection de l’individu

Le jeu procure aux joueurs d’évidentes sources de plaisir et de partage entre amis. De manière marginale, il arrive que le plaisir se transforme en servitude : le joueur pourra s’accoutumer à son loisir au point de ne plus pouvoir s’en passer (A). Les publics les plus fragiles, tels que les mineurs, sont plus exposés aux risques spécifiques des MMOG. Des dispositifs existent pour les protéger (B).

 

D’autres atteintes aux libertés individuelles peuvent se manifester, liées à la liberté d’expression notamment. Elles n’ont pas de particularité propre aux MMOG et ont donc été écartées de ce dossier (les cas de la diffamation d’un avatar soulève quelques interrogations mais ne mérite pas qu’un développement lui soit spécialement consacré dans ce dossier).

A. Le risque de dépendance

1. Présentation du phénomène

De nombreux cas ont été relatés dans la presse, allant du décès d’un enfant mort faute de soins par ses parents au meurtre lié au jeu en passant par le décès d’un sud-coréen d’épuisement. Ces faits divers sont marginaux et aucun cas ne s’est produit à ce jour en France.
Thomas Gaon, spécialiste du traitement de l’addiction et de la dépendance, a souligné lors de la rencontre-débat sur les MMOG que le terme de dépendance était selon lui plus approprié que celui d’addiction, qui se caractérise par un comportement compulsif et autodestructeur . Il n’a pas constaté, dans sa pratique professionnelle, de cas allant jusqu’à ce stade.

 

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article publié le 24 juin 2006
 
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