Rencontre-Débat « MMOG, du virtuel au réel »

Dossier consécutif à la consultation

par le Forum des Droits sur l'Internet (24 juin 2006)

 

La presse s’est emparée de deux achats sensationnels sur ce jeu. Une île virtuelle s’est vendue la bagatelle de 26 500 dollars. L’acquéreur, un australien de 22 ans, souhaite tirer des bénéfices de la revente de concessions virtuelles et des droits de chasse sur son île. Quant à Jon Jacobs, alias Neverdie, joueur patenté, il a acquis une station spatiale virtuelle pour la modique somme de 100 000 dollars, dont il entend tirer des revenus (boîte de nuit, exploitation minière…). Pour attirer du public, Jon Jacobs a conclu des accords avec de vrais disc-jockeys, afin de diffuser de la musique bien réelle dans son lieu de divertissement.

Ce type de pratique ne va pas sans poser des difficultés juridiques. La création monétaire relève en effet du privilège d’émission des banques centrales. Outre le risque de crash spéculatif, le développement d’une monnaie virtuelle s’appuyant sur des créations numériques, ne risque-t-il pas de contrevenir à ce monopole ?

Sans aller aussi loin, Second Life s’appuie également sur la confusion entre réel et virtuel.

 

III. – LES REGLES DU JEU

La définition des règles du jeu revient traditionnellement à l’éditeur, qui définit les comportements admis et rejetés. La volonté de contourner ces règles se retrouve dans tous les jeux.

La triche prend de multiples formes. Elle intervient à la fois dans le monde réel, en s’attaquant au jeu ou aux serveurs, et dans le monde virtuel. Appartient-il à l’éditeur de fixer de manière unilatérale la règle du jeu ? Quelle est la place de la communauté des joueurs dans la définition des règles de vie commune ?

Il ressort de l’analyse que l’on passe d’un modèle de régulation venant des éditeurs ou du législateur (A) à une organisation plus complexe (B), où les joueurs partagent la responsabilité de l’élaboration de la norme.

 

A. – La limitation des attaques contre le jeu, les serveurs et les joueurs

De nouvelles formes de triche se sont développées et touchent les joueurs, les serveurs ou l’équilibre du jeu. La triche concerne un nombre limité de joueurs mais peut avoir un impact sur l’ensemble du jeu.

MMOG en images

Lineage II
 
Lineage II

C’est tout d’abord l’exploitation de failles qui occupe certains tricheurs. Ceux-ci vont tenter de trouver des erreurs dans le jeu, de manière à obtenir des avantages par rapport aux autres joueurs. Face à des univers riches et complexes, certains joueurs n’hésitent pas à utiliser toutes les imperfections. De la découverte opportuniste à l’attaque en règle des serveurs pour y déceler des failles de sécurité, il existe toute une palette de menaces nouvelles pour les éditeurs de jeu qui peuvent avoir des répercussions considérables sur la réussite commerciale d’un jeu. Certains éditeurs ont en effet dû retirer des produits insuffisamment sécurisés, provoquant le mécontentement de nombreux utilisateurs.
Plusieurs jeux comme World of Warcraft, LineAge 2 ou La Quatrième Prophétie ont notamment subi des problèmes de « duplication » d’objets : un bien donné à un autre joueur pouvait, dans certains cas, être dédoublé au lieu d’être transféré.

L’astuce peut être plus subtile et consister à développer un robot (ou « bot »), petit logiciel chargé de jouer à la place du joueur pour lui éviter d’être présent derrière son écran. Certains robots simulent l’activité d’un vrai joueur et tuent par exemple des monstres à la chaîne pendant plusieurs heures d’affilée. Ils rompent alors l’équilibre du jeu en conférant à leurs utilisateurs un avantage par rapport aux joueurs plus honnêtes.

La technique du filoutage (« phishing »), bien connue du monde bancaire, a été appliquée récemment à des comptes de jeux en ligne. Comme nous l’avons signalé, le prix des comptes de haut niveau au marché noir peut atteindre des sommes allant de 150 à 2 000 €. Des fraudeurs, reprenant les éléments graphiques des jeux, se font passer pour l’éditeur et tentent de récupérer les paramètres d’identification de joueurs en envoyant des courriels en masse. Guild Wars, l’un des jeux les plus populaires du moment, n’a pas échappé à cette pratique illicite. L’éditeur de ce jeu a publié un communiqué de presse rappelant que les paramètres de connexion n’étaient jamais demandés par courriel aux joueurs*.

D’autres techniques apparaissent pour tenter d’obtenir les paramètres de connexion des joueurs à leur insu. Un programme espion, qui contrôle les informations frappées au clavier pour les transmettre à des tiers a été développé visant spécifiquement le jeu World of Warcraft. Pour se prémunir de cette menace, à la diffusion heureusement restreinte, il convient de respecter les règles de sécurité habituelles (utiliser un firewall et un antivirus à jour ; éviter l’installation de logiciels douteux…).

L’apparition des MMOG a constitué un grand changement par rapport aux jeux vidéo classiques, en réduisant le risque de contrefaçon des jeux.

Dufin parle d’une « révolution [car il n’existe] aucune possibilité de piratage » en raison du contrôle de l’accès au jeu (). Avant de pouvoir jouer, tout joueur doit être identifié par le serveur de jeu officiel et disposer des droits d’accès (abonnement en cours). La contrefaçon, plus développée par ailleurs, est rendue très difficile.

Toute violation de la propriété intellectuelle n’est pas pour autant absente. Des serveurs pirates sont en effet créés et maintenus par des petits cercles de joueurs, qui se procurent les sources du jeu. Ce type de serveur nécessite tout de même des moyens autrement plus conséquents que pour copier un jeu ordinaire : il faut un serveur d’hébergement, accéder aux sources, paramétrer le serveur et pouvoir animer le jeu.
Les joueurs voient plusieurs raisons d’être aux serveurs pirates. Ils permettent tout d’abord de découvrir le jeu avant de s’y abonner.

Krarsht considère les serveurs privés comme « un bon moyen d’essayer un jeu en vue de s’y abonner sur un serveur officiel ».
Ashen-Shugar’ relève toutefois que « Le plaisir de jeu sur un [serveur privé] n’est rien en comparaison d’un serveur officiel. » (Contribution)

Ils offrent ensuite un moyen de trier les joueurs à l’entrée. Pour Krarsht, ils offrent « le moyen de jouer à un jeu entre gens civilisés et un minimum matures » car la sélection y est plus élevée (référence).
Enfin, ils ont une utilité au terme de la vie du jeu, lorsque l’éditeur renonce à maintenir les serveurs officiels.

Pour Bleubleulohaibleue, « c’est un bon moyen de maintenir en vie des vieux jeux ». Les créateurs qui abandonnent l’exploitation d’un jeu « devraient autoriser les serveurs "pirates". Pourquoi pas en distribuant les binaires du serveur. » (Contribution)
Saigneur ajoute que les serveurs pirates « font revivre le jeu » tel qu’il était à son apogée (Contribution).

Ces pratiques sont fermement proscrites par les éditeurs dans le contrat d’utilisateur final qui les lie aux utilisateurs. Elles sont sanctionnées par des peines dans le jeu allant de l’avertissement à la fermeture du compte en passant par le bannissement temporaire ou la privation des possessions. Blizzard, l’éditeur de World of Warcraft, a annoncé le 13 juin la fermeture de 30 000 comptes pour manquement aux règles du jeu. NCSoft a réagi de la même manière en supprimant plus d’un millier de comptes de joueurs utilisant des robots (référence).

 

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article publié le 24 juin 2006
 
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