Rencontre-Débat « MMOG, du virtuel au réel »

Compte-rendu de la conférence du 10 juin 2006

par Aurélien Pfeffer aka Uther (20 juin 2006)

 

Addiction et dépendance

Au-delà des enjeux économiques que peuvent engendrer les MMOG, les problématiques de santé publique tiennent aussi le devant de la scène. Présents lors du débat, Thomas Gaon (psychologue, membre de l'OMNSH) et Jean-Pierre Quignaux de l'UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) ont apporté leur expérience quant aux phénomènes de dépendance aux jeux en ligne et plus largement à la responsabilité des famille en la matière.

MMOG en images

City of Heroes
 
EVE Online
 
Vanguard: Saga of Heroes
 
Pour plus d'information

Psychologue clinicien en "addictologie", Thomas Gaon s'est spécialisé dans les effets psychosociaux des jeux vidéo. Et selon lui, les "effets psychologiques" qu'engendrent les MMORPG sur les joueurs résultent principalement du fait que « les jeux permettent de trouver des pairs dans le cadre d'une réalité partagée, tout en s'exonérant d'investissements émotionnels forts de la part des joueurs ». Dans un monde virtuel et à l'inverse de la réalité, les utilisateurs ne sont plus tributaires de l'image corporelle qu'ils renvoient (et inversement, n'ont ni réticence, ni a priori immédiat sur leurs interlocuteurs), ils restent maître (dans une certaine mesure) de l'image véhiculée à autrui et à ce titre, les MMOG peuvent offrir un certain confort intellectuel à ceux n'en bénéficiant pas (ou peu) dans la réalité. Ce "confort" procuré par les MMOG peut conduire à une certaine forme de dépendance.
Néanmoins, toujours selon Thomas Gaon, l'addiction se caractérise par une incapacité à maîtriser sa dépendance. Le joueur souffrant d'addiction sera donc celui voulant arrêter de jouer, sans y parvenir malgré les effets néfastes qu'engendre le jeu sur lui et dont il a conscience. Et à ce jour, Thomas Gaon dit n'avoir encore jamais été confronté en France à des cas d'addiction chez les joueurs de MMOG. Il existe une dizaine de centres en France traitant des pathologies liées à l'addiction et d'après Thomas Gaon, la plupart des consultations sont le fait de parents inquiets pour leurs enfants diagnostiqués comme étant dépendants (et non "addicts"), c'est-à-dire jouant trop. Thomas Gaon identifie trois critères de dépendance, liés respectivement au sujet, à l'objet et enfin à l'environnement.

  • Le sujet fait référence au joueur lui-même. Les sujets dépendants sont généralement prédisposés, ont des failles existantes, sont plus fragiles ou vulnérables et se réfugient dans le jeu (ou toutes autres activités).
  • L'objet de la dépendance (ici les MMOG) sont également un également un facteur que l'on ne peut nier. Le fait que les MMOG soit potentiellement illimités et sans fin formelle est un facteur de dépendance.
  • Enfin, l'environnement du joueur peut achever de créer un terreau favorable à la dépendance. Les familles dans lesquels il existe une "fracture numérique" entre les générations (les parents appréhendent mal les activités virtuelles des enfants par exemple) ou le fait que le jeu puisse être la seule source de satisfaction du sujet sont autant de facteurs susceptibles de conduire à la dépendance.

La base des traitements que proposent les centres spécialisés (comme peut l'être l'hôpital Marmottan) repose sur la définition de limites et de systèmes de valeur auxquels se référer et sur l'aide à la construction ou reconstruction de limites propres à chaque sujet...

 

Protection des mineurs

Jean-Pierre Quignaux, responsable de la "Mission Nouvelles Technologies et Politiques Familiale" de l'Union nationale des Associations Familiales (UNAF) semble partager cette approche voulant que l'environnement (et notamment la famille) joue un rôle de premier plan dans la "protection" des jeunes joueurs.

Idéalement, au même titre que les parents contrôlent par exemple ce que leurs enfants regardent à la télévision, ils devraient vérifier à quels types de jeux ils jouent. On constate néanmoins parfois une certaine méconnaissance de l'univers des jeux vidéo de la part d'une certaine population (pouvant autant conduire à des interdits injustifié qu'à une complète absence de contrôle des logiciels utilisés par les enfants). Les MMOG soulèvent une problématique supplémentaire en confrontant les joueurs non seulement au jeu lui-même (susceptible de proposer un contenu qui ne serait pas destiné à tous les public) mais aussi à d'autres joueurs, dont le comportement peut parfois se révéler inadapté à un certain public, jeune ou vulnérable.
D'après Jean-Pierre Quignaux, à la fois ouvert au débat et ne partageant manifestement pas toujours les "combats" de certaines associations de familles, la première étape de la protection des mineurs dans le cadre des familles passent par la signalétique des logiciels à la fois classés par âge (déconseillés aux moins de trois, sept, 12, 16 ou 18 ans) et par catégories de contenu (dont le contenu peut faire référence aux drogues, être grossier, violent, ouvertement pornographique, effrayé les utilisateurs ou reposer sur des discriminations). Cette signalétique n'a pas portée contraignante et se limite à renseigner les consommateurs, mais d'après Jean-Pierre Quignaux, elle permet d'informer les parents éventuellement acheteurs, voire de poser les bases d'un dialogue entre l'enfant et les parents. Selon Jean-Pierre Quignaux, la signalétique est le premier pas de l'auto régulation, à préférer aux méthodes de contrôle parental.

A titre d'exemple, World of WarCraft intègre un mécanisme de contrôle parental par lequel il est possible de fixer les plages horaires de jeu autorisées ou interdites (implanté par obligation pour une large diffusion en Chine, comme le souligne Jacques Harbonn animant les débats). Bien que proposant une solution souvent efficace et de plus ne plus présente dans les MMOG, pour Jean-Pierre Quignaux, les solutions de contrôle parental sont limitées. L'UNAF milite en effet pour une protection de l'enfant incombant aux parents (passant donc par le dialogue) et non limitée à une solution purement technique.

Il s'avère néanmoins que ce type d'outil est aujourd'hui un palliatif efficace aux carences des parents en matière de jeux en ligne... qui devraient être le prochain chantier d'envergure des organismes de classification tels que PEGI, travaillant actuellement à une norme PEGI Online à l'échelle européenne.

 

Conclusion et projets à venir

Au regard des débats, Isabelle Falque-Pierrotin, directrice du Forum des Droits sur l'Internet a exprimé son intention d'initier un groupe de travail sur les jeux en ligne, à compter de la rentrée prochaine (et pour une durée de six mois à un an). A ce titre, le Forum des Droits sur l'Internet devrait aborder quatre thématiques principales : notamment les enjeux économiques et politiques qu'engendrent aujourd'hui les jeux en ligne (notamment le support à l'innovation et le financement du secteur ne France), les enjeux de santé publique (intégrant la protection des mineurs) et l'information du grand public (l'une des missions premières du FDI).
Notons que JeuxOnLine prendra part à ce groupe de travail afin de représenter les utilisateurs de jeux en ligne.

 

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article publié le 20 juin 2006
 
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