Tendances 2022 et au-delà : ces MMORPG qui font le pari des mécaniques sociales
À l'heure des comportements toxiques, certains développeurs de jeux en ligne font le pari des MMORPG reposant sur des mécaniques sociales, voire pacifistes, avec un objectif : faire en sorte que les joueurs (re)jouent ensemble. Les joueurs répondent présents, et les investisseurs aussi.
Depuis maintenant plusieurs mois, l’industrie du MMORPG est agitée par quelques « buzzwords » (cloud gaming, métavers, blockchain, NFT, etc.) qui promettent de chambouler le petit monde du jeu vidéo et qui s’imposent déjà comme des tendances susceptibles d’influencer certains jeux massivement multijoueurs à venir – sans qu’on puisse encore prédire les conséquences réelles qu’elles auront sur le secteur ou sur les joueurs. Parallèlement à ces tendances technologiques et économiques, on voit néanmoins aussi émerger des tendances plus ludiques, qui auront donc vraisemblablement des conséquences plus directes sur les expériences des joueurs.
Parmi ces tendances, on constate manifestement un goût croissant pour les MMORPG reposant sur des mécaniques sociales et faisant la part belle aux interactions (pacifistes) entre les joueurs, plutôt que sur des mécaniques de combats jusqu’ici très omniprésentes dans les MMO – une tendance similaire à celles qu’on constate chez certains développeurs indépendants de jeux solo, mais qui semble donc gagner aussi certains concepteurs de jeux massivement multijoueurs.
Faire jouer les joueurs ensemble
Plusieurs « MMO sociaux » ont ainsi été annoncés au cours des derniers mois. On pense par exemple à Palia (signé par le studio Singularity 6) que le développeur présente comme une « simulation communautaire en ligne jouable dans un environnement massivement multijoueur ». Le jeu repose concrètement sur l’exploration d’un univers qu’il faudra exploiter mais aussi protéger, sur la découverte de ses secrets ou encore sur les interactions sociales qui se créeront entre les joueurs (le « voisinage » des communautés de chaque village de l’univers de jeu).
Même tendance pour BitCraft (sous-titré « une nouvelle forme de MMORPG ») développé par le studio Clockwork Labs. Ici, le MMORPG sandbox intègre des mécaniques de combat mais elles ont vocation à être accessoires au milieu de nombreuses autres, comme l’artisanat, l’agriculture ou le commerce, mais surtout la possibilité d’ériger des campements qui deviendront des villes et qu’il faudra gérer via des systèmes de stratégie sociale – encourageant les joueurs à interagir les uns avec les autres, dans des jeux d’alliances entre cités ou de spécialisations au profit du groupe, par exemple.
But du jeu ? Partir de rien ou presque dans un univers généré aléatoirement et utiliser la force du collectif pour ériger des empires dans un monde évolutif et confié aux mains des joueurs.
Idem encore avec Into the Echo, du développeur indépendant canadien ETLOK Studios. Là encore, le développeur fait le pari des interactions sociales « bienveillantes ». Les mécaniques de jeu sont pensées pour rapprocher les joueurs (pas de progression verticale, par exemple, pour que tous les joueurs puissent jouer ensemble, qu’ils soient néophytes ou vétérans) et encourager les joueurs à œuvrer de concert – notamment pour découvrir les secrets du monde de Raava en voyageant « dans les échos » du temps, alors que le passé doit éclairer le présent.
Dans un genre certes différent (car les combats sont là bien présents), on peut sans doute y ajouter un titre comme le MMO indépendant Embers Adrift qui fait du groupe l’alpha et l’oméga de son gameplay – l’univers de jeu est trop hostile pour un joueur seul et les expériences de jeu doivent être suffisamment « mémorables » pour être racontées au coin du feu. Ou même aussi par exemple le blockbuster massivement multijoueur ArcheAge 2 : on sait encore peu de choses du prochain MMORPG du studio sud-coréen XL Games, mais Jake Song motive le développement du jeu par la volonté de rapprocher davantage les joueurs – a contrario du premier ArcheAge qui segmente trop les catégories de joueurs au goût du game designer, à cause d’un gameplay qui crée un fossé infranchissable entre ceux déjà installés de longue date et ceux arrivés trop tard. Les mécaniques d’ArcheAge 2 sont pensées pour permettre aux joueurs de réellement jouer ensemble.
Les joueurs oubliés dans les mécaniques de jeu ?
Au-delà de l’inventaire, tous ces titres sont nés d’un même constat et d’un même paradoxe : les joueurs interagissent de moins en moins les uns avec les autres dans les univers de MMORPG et quand ils interagissent, ces interactions donnent souvent lieu à des comportements toxiques – au point que nombre de joueurs en ligne préfèrent maintenant se tourner vers des jeux solo.
Et on en analyse aisément les causes, qui entretiennent un cercle vicieux : du fait des comportements toxiques, les joueurs rechignent à échanger avec les autres, ce qui encourage à jouer seuls, ce qui pousse les développeurs à imaginer des mécaniques solos et donc scriptées, ce qui déshumanise les univers censément multijoueurs et dans un univers qui laisse peu de place à l’humain, on est peu enclin à l’empathie et on se laisse donc plus aisément aller à des comportements toxiques, et la boucle est bouclée.
Elle l’est d’autant plus que « replacer de l’humain » dans les mécaniques de MMORPG passe souvent aujourd’hui par le PvP : les joueurs n’interagissent pas pour échanger ou jouer ensemble, mais pour s’affronter. Là aussi, la mécanique est bien connue : l’affrontement est le cœur d’une grande majorité de jeux vidéo. Taper sur un tas de pixels et le tuer est une mécanique à la fois facile à appréhender et immédiatement gratifiante pour le joueur. Evidemment, les mécaniques de combats peuvent être infiniment plus complexes et réfléchies, et tout aussi évidemment les affrontements massivement multijoueurs supposent également de vraies interactions sociales entre les joueurs, mais force est d’admettre que les mécaniques de jeu multijoueur à la fois attractives et pacifistes sont incroyablement plus complexes à mettre en œuvre (parce qu’il est difficile d’anticiper le comportement des joueurs), nécessitent souvent des efforts supplémentaires de la part des joueurs (la diplomatie demande plus de temps qu’un expéditif coup d’épée) et tout ça pour une gratification à la fois difficilement quantifiable et très aléatoire car dépendante de la réaction des autres joueurs (un loot épique est plus immédiatement gratifiant qu’une amitié naissante avec un autre joueur).
Des mécaniques centrées sur le joueur
Dans ce contexte, cette recrudescence de MMORPG sociaux est d’autant plus significative. Les développeurs concernés s’attaquent à un double défi : imaginer des mécaniques de jeu centrées sur les joueurs et faire en sorte que ces mécaniques ne s’articulent pas (uniquement) autour du combat afin de limiter les comportements toxiques.
Ils se montrent encore tous discrets sur les méthodes qu’ils mettront en œuvre pour atteindre l’objectif, mais en attendant d’en apprendre davantage, ils livrent néanmoins quelques pistes : valoriser la coopération que ce soit dans le cadre de petits groupes ou en imaginant des objectifs de très grande envergure réalisables uniquement en mobilisant un grand nombre de joueurs autour de projets communs, encourager l’exploration et la protection de l’environnement communautaire, insuffler de l’imprévu dans les univers pour les rendre plus « vivants » et que les joueurs redécouvrent le plaisir de la découverte (en lieu et place des contenus scriptés qui apparaissent à intervalles réguliers), proposer des alternatives au combat ou encore intégrer des mécaniques aussi complexes, riches et variées pour les activités sociales que celles qu’on trouve traditionnellement associées au combat (par exemple, les recettes de cuisines de Palia se composent de plusieurs étapes différentes et misent sur la compétence du cuisinier, comme dans la réalité, et ne se limitent pas à cliquer sur un bouton et observer une barre progresser). Ces studios affichent l’ambition de proposer des alternatives aux mécaniques les plus traditionnelles et des activités très diverses.
On retient tout autant la réponse enthousiaste des joueurs, qui démontrent sans doute un certain engouement pour les projets communautaires, plutôt sereins et relativement apaisés, et qui prennent manifestement le contre-pied des tensions croissantes qu’on observe souvent en ligne (tant dans les jeux en ligne que les réseaux sociaux). On note également la réponse favorable des investisseurs, puisque ces studios parviennent à lever des fonds parfois importants pour concrétiser ces projets atypiques dans le paysage actuel – plusieurs (dizaines de) millions de dollars pour Singularity 6 ou Clockwork Labs, qui profitent en outre du soutien de plusieurs poids de l’industrie du jeu en ligne.
On attendra évidemment de tester ces « MMORPG sociaux » sur pièce avant d’y voir une révolution. En ce début d’année, on constate néanmoins une volonté de faire émerger des projets favorisant manifestement des mécaniques différentes, qui pourraient contribuer à renouveler le genre massivement multijoueur et redonner du sens à la notion d’univers virtuel – c’est-à-dire en faire de nouveau des espaces de rencontres, d’échanges et d’interactions entre les joueurs.
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