Traduction, moralisation et modèle économique : la Chine durcit sa politique de régulation des jeux

Le marché chinois est lucratif, mais peu accessible. La Chine durcit sa politique d'octroi d'agrément d'exploitation pour interdire les jeux non traduits ou jugés obscènes, en plus de limiter l'aléa des loot boxes dans les jeux free-to-lpay.

Pour l’industrie du jeu, la Chine est évidemment un marché colossal, mais aussi difficile d’accès – en Chine, le jeu en ligne est considéré comme un « média », régulé par l’administration en charge de « la presse et des publications », et est donc soumis aux mêmes restrictions et censure que les médias locaux. C’est au titre de ce principe que la Chine impose l’octroi d’un agrément préalable pour qu’un jeu puisse être distribué sur son territoire et que les autorités locales peuvent appliquer des restrictions quant au contenu des jeux (notamment inspirées par la morale chinoise) – la Chine interdit par exemple un affichage trop ostensible de cadavres ou de morts-vivants à l’écran (les cadavres sont tolérés pendant quelques secondes, les morts-vivants doivent paraitre plus vivants que morts).

Depuis maintenant fin 2018, la Chine fait évoluer son système de régulation des jeux et on se souvient que pendant plusieurs mois jusque début 2019, plus aucun jeu n’obtenait d’agrément d’exploitation en Chine – finalement, seulement 1570 nouveaux jeux ont été autorisés en Chine en 2019 (dont 1462 jeux mobiles) et pour moins de 12% de jeux réalisés hors de Chine.

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Et aujourd’hui, la Chine durcit encore un peu plus sa politique de régulation d’octroi d’agréments. Parmi les nouvelles mesures qui s’imposent aux développeurs, on retient que les jeux devront dorénavant être intégralement traduits en chinois (des jeux auraient été retoqués pour avoir affiché les mentions anglaises « Winner » ou « Attack » en cours de partie). Peut-être plus surprenant, les systèmes de mariages qu’on trouve certains MMORPG (permettant à deux joueurs ou joueuses de se marier pour profiter de bonus quand ils jouent ensemble) sont maintenant prohibés pour les joueurs mineurs.
Plus globalement, les jeux aux contenus « obscènes et immoraux » sont bannis, tout comme les « jeux de harem », manifestement populaires dans l’ex-Empire du milieu – ces jeux inspirés de la Chine médiévale, consistant à faire prospérer une dynastie en recrutant des épouses et concubines généralement soumises pour renforcer sa lignée.

Et les studios n’ont plus le droit à l’erreur ou presque dans la mesure où un même jeu ne pourra plus être proposé à la commission que trois fois. S’il est recalé à trois reprises, il ne sera plus examiné et perd donc toute chance d’obtenir un agrément d’exploitation. De même, un nombre limité d’agréments sera distribué chaque année, pour limiter le nombre de clones de jeux produits en Chine.

Les autorités chinoises font également évoluer la régulation des modèles économiques des jeux distribués sur son sol. De longue date, les exploitants de jeux ont déjà obligation d’afficher le pourcentage de chance d’obtenir un objet quand un joueur achète des loot boxes. Dorénavant, un plafond d’achat s’impose également : le joueur doit avoir la garantie d’obtenir l’objet qu’il convoite en un nombre de tentatives déterminées à l'avance (plafonnées à 50 tentatives) et ce nombre doit être clairement affiché. En d’autres termes, avant d’acheter une loot boxe, le joueur doit connaitre ses chances d’obtenir un objet précis, connaitre le nombre de tentatives nécessaires pour concrètement obtenir l’objet et même s’il joue de malchance sur une longue série, il doit obtenir satisfaction en 50 tentatives maximum.

Des restrictions drastiques, donc, et chacun jugera celles qui sont ou non à l’avantage des joueurs locaux – à mettre par ailleurs en perspective avec les contraintes qui s’imposent aussi aux développeurs pour accéder à l’Eldorado chinois.

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