Les poursuites de ZeniMax contre Oculus VR jugées recevables par les juges texans
L'Oculus Rift, le casque 3D du studio Oculus VR, a-t-il été conçu grâce aux recherches menées par John Carmack alors qu'il était salarié de ZeniMax ? ZeniMax le pense et engageait des poursuites contre Oculus VR l'année dernière. Les juges texans jugent ces poursuites recevables et le litige pourra être tranché devant les tribunaux.
La réalité virtuelle suscite un intérêt croissant de la part des joueurs comme des développeurs et représente donc un enjeu économique de taille -- pouvant susciter des différends que les juges seront manifestement amenés à trancher.
Ainsi par exemple le conflit qui oppose le groupe ZeniMax (la maison-mère de Bethesda et d'idSoftware, entre autres) à Oculus VR, le concepteur l'Oculus Rift, ce casque 3D devant être commercialisé l'année prochaine. On se souvent qu'en mai 2014, le premier revendiquait la paternité d'une partie des composantes matérielles et logicielles du casque 3D du second, et entendait faire valoir ses droits devant les tribunaux. Bref rappel des faits.
Depuis les années 90, John Carmack (alors à la tête du studio idSoftware, pionnier des jeux en 3D et racheté en 2009 par le groupe ZeniMax) se passionne pour les technologies de réalité virtuelle et travaillait donc sur un prototype de casque 3D pour le compte de sa maison-mère.
En avril 2012, John Carmack découvrait l'Oculus Rift sur un forum, alors à l'état de pré-prototype, et contactait son concepteur, le jeune Palmer Luckey qui fondera plus tard le studio Oculus VR. Les deux concepteurs collaborent et les travaux de John Carmack (qui travaille notamment sur la dimension logicielle du prototype) sont progressivement mis à disposition de Palmer Luckey, qui s'engage de son côté à respecter une clause de confidentialité (NDA) lui interdisant de dévoiler les technologies de ZeniMax portées à sa connaissance. La collaboration entre Palmer Luckey et John Carmack se fait plus étroite (ZeniMax dispose des échanges entre les deux concepteurs), et en marge de l'E3 2012, Carmack réalisera une démonstration de DOOM 3 avec une « version très modifiée du premier Oculus Rift ». Fort du succès de la démonstration et de l'engouement suscité par le casque, Palmer Luckey fonde dans la foulée le studio Oculus VR en juin 2012 pour poursuivre ses travaux et envisager la commercialisation de l'Oculus Rift. Pour financer le projet, Luckey initie une campagne de levée de fonds sur Kickstarter qui profitera notamment du soutien de John Carmack durant la QuakeCon et de la promesse d'une version gratuite de Doom 3 (le jeu d'id Software, mais sans que ZeniMax en soit informé) avec le casque 3D le moment venu. On le sait, Oculus VR espérait lever 250 000 dollars et obtiendra finalement plus de 2,44 millions de dollars auprès des joueurs.
La dimension économique du projet devenant plus concrète, fin 2012 ZeniMax entend alors formaliser ses relations avec Oculus VR. Si Palmer Luckey les ignore pendant plusieurs mois, le jeune entrepreneur propose finalement à ZeniMax une prise de participation de 2% dans sa start-up contre un soutien technique et financier, en plus de 30 000 copies de Doom 3 pour les contributeurs de la campagne KickStarter. ZeniMax fera une contre-offre excluant les copies du jeu, contre-offre jugée inacceptable par Palmer Luckey qui rompt donc ses relations commerciales avec ZeniMax -- mais pas avec John Carmack qu'il débauche finalement en août 2013 pour en faire le directeur technique d'Oculus VR. En février 2014, il sera suivi par une partie de ses anciens collègues d'id Software et un mois plus tard, Oculus VR était racheté par Facebook pour deux milliards de dollars.
Une manne à laquelle ZeniMax estime avoir partiellement droit. Selon le groupe, les technologies faisant fonctionner l'Oculus Rift sont partiellement issues des recherches de John Carmack alors salarié de ZeniMax et financé par le groupe (à hauteur de plusieurs millions de dollars, selon ZeniMax), en plus d'apporter soutien et visibilité à l'entreprise de Palmer Luckey, lui ayant permis de susciter l'intérêt à la fois des joueurs et de Facebook. Faute de trouver un accord financier, l'année dernière, ZeniMax engageait donc des poursuites à la fois contre Oculus VR et Facebook devant les juridictions texanes, pour plusieurs motifs distincts (appropriation illicite de secrets commerciaux, violation de propriété intellectuelle, atteinte délictuelle à des relations contractuelles, concurrence déloyale ou encore enrichissement sans cause).
À défaut de contester les faits sur le fond (pour l'instant), à la fois Oculus VR et Facebook intentaient alors une action en irrecevabilité (rapportée par Polygon), arguant que les chefs d'accusation avancés par ZeniMax violaient les principes de procédure des lois texanes. Oculus VR et Facebook appuyaient notamment leur argumentaire sur le caractère valide ou non de la clause de confidentialité imposée par ZeniMax à Palmer Luckey (car faute de NDA valide, il n'y aurait pas d'appropriation de « secrets » commerciaux, de concurrence déloyale ou d'enrichissement sans cause). Le duo estime notamment que la clause devrait être invalidée car trop imprécise (ZeniMax aurait dû spécifier chaque information couverte par la clause) ou considérant qu'Oculus VR (le studio) n'était pas tenu par la clause car signée par Palmer Luckey (la personne physique) avant la création de sa société. Le juge rejette les arguments, considérant que Plamer Luckey a accepté de recevoir des informations contre la promesse de ne pas les divulguer et qu'il n'était donc pas nécessaire de les préciser plus avant ou encore qu'Oculus VR a été fondé après la signature de l'accord de confidentialité et a profité des informations divulguées et qu'en conséquence, le studio y est de facto soumis comme son CEO. Le duo estimait encore que ZeniMax n'avait pas tout mis en oeuvre pour protéger ses secrets et qu'ils relevaient donc du domaine public, ce que le juge balaie également puisque ZeniMax avait effectivement fait signer un accord de confidentialité à Palmer Luckey ne laissant aucun doute sur les intentions du groupe de protéger ses recherches.
En conséquence, les demandes d'irrecevabilité soulevées par Facebook et Oculus VR sont rejetées, ce qui signifie que le fond du litige devra être tranché, le cas échéant devant les tribunaux, dans le cadre d'un procès qui pourrait se tenir l'année prochaine -- à moins que les parties trouvent un accord financier d'ici là. Et au regard des enjeux économiques et commerciaux, les parties pourraient en effet chercher à régler le différend rapidement.
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