Les MMOG et MMORPG sur consoles "Next-Gen"
Les consoles "Next-Gen", réponse de Sony avec la PlayStation 3
L'émergence du XBox Live et l'importance que lui confère Microsoft tendent à démontrer la volonté du développeur de former une véritable communauté en ligne.
Les communautés de joueurs ont toujours joué un rôle majeur dans les succès ou échecs enregistrés depuis les premières consoles. Afin de contredire l'idée reçue voulant que les jeux vidéo (majoritairement sur consoles à l'époque) isolaient les joueurs, plusieurs sociologues (comme Laurent Trémel, par exemple) ont démontré qu'ils étaient au contraire des objets socialisant et le coeur de discussion et interactions passionnées chez les joueurs. De même, il y a plus de quinze ans, Nintendo l'avait déjà compris et fédérait ses joueurs autour de publications "papier" distribuées gratuitement chez les revendeurs des produits de la firme nipponne. Les joueurs pouvaient déjà envoyer leurs meilleurs scores réalisés dans les jeux Nintendo, afin qu'ils soient publiés dans les journaux de la marque.
Les communautés de joueurs se placent au coeur des processus ludiques et le développement des nouvelles technologies (Internet en tête) permet de leur donner une dimension supplémentaire. Les discussions passionnées des cours d'école ou les concours opposant les meilleurs joueurs de console s'organisent maintenant en ligne, à une échelle mondiale, notamment via le XBox Live et les sites Web dédiés... sur le modèle des communautés virtuelles émergentes des MMORPG.
Aujourd'hui, Microsoft compte une certaine avance en la matière et revendique haut et fort son expérience réussie du XBox Live (entre un et plus de deux millions d'utilisateurs à travers le monde selon les sources), mais Sony n'est manifestement pas en reste et la "Game Developers Conference 2006" (GDC 2006) fut l'occasion d'en apprendre un peu plus.
Annoncée pour la fin de l'année 2006, la PlayStation 3, la console de salon "Next-Gen" de Sony disposera également de son "portail" de services et jeux en ligne. Phil Harrison, notamment président des studios "Worldwide" chez Sony Computer Entertainment, a profité de la GDC 2006 pour présenter la stratégie "online" de Sony et la "PlayStation Network Platform" (ou PSNP, mais qui pourrait être rebaptisée prochainement "PlayStation HUB"), la réponse de Sony au XBox Live de Microsoft. D'après Phil Harrison, le service en ligne de la PS3 devrait être animé par la règle "des quatre C" : le Contenu, la Communication, la Communauté et le Commerce. On imagine aisément une plateforme très similaire à celle de Microsoft. Les joueurs devraient y trouver du contenu additionnel à télécharger (des démo, des patchs, des compléments divers, gratuits ou payants), pouvoir discuter, jouer ensemble ou se défier entre eux et accessoirement acheter du contenu dématérialisé (des jeux complets, mais peut-être également de la musique ou des films)... Le tout dans un service en ligne de base accessible gratuitement au même titre que l'offre "Silver" du géant américain...
Mais Sony n'est pas moins philanthrope que Microsoft. Le Japonais précise que les services et contenus payant tiendront une place clef dans la stratégie nipponne. Sony travaille d'ores et déjà sur un projet international de "e-distribution" (distribution dématérialisée) destiné à faciliter la vente de « contenu disponible uniquement en ligne » et pour enfoncer le clou, Phil Harrison précise que « les abonnements deviendront très importants », tout comme le "merchandising" autour des jeux reposant sur la renommée d'un produit. Et comme Microsoft, Sony souhaiterait que « les réseaux sociaux deviennent une partie intégrante du développement de la PS3 ».
La "PlayStation Network Platform" se distingue néanmoins de son concurrent direct en intégrant dans son offre, la gestion de serveurs tiers (là où Microsoft mise sur un serveur centralisé axé autour du "XBox Live"). D'après Phil Harrison, Sony souhaite « adopter une philosophie commerciale inspirée de l'Internet ouvert », notamment dans le but « d'encourager la production de jeux de rôle massivement multijoueurs » compatibles avec le réseau japonais. Manifestement, le succès populaire de MMO comme World of WarCraft (et ses six millions d'abonnés) attise la convoitise des développeurs de consoles "Next-Gen". « Si World of WarCraft était un pays, il serait comparable à l'Ireland. C'est le résultat que nous voudrions atteindre en terme de communauté ». On le comprend aisément.
Ainsi, à l'inverse du XBox Live de Microsoft, Sony semble être plus prompt à accueillir dans son catalogue des MMORPG dont les serveurs resteraient à la charge du développeur (comme c'est le cas actuellement dans le cadre des MMORPG pour PC - et laissant donc supposer que les utilisateurs de PC et de PS3 pourraient jouer ensemble sur des serveurs communs). On comprend d'autant mieux ce choix que Sony Computer Entertainment (ayant en charge le développement des consoles) peut compter sur l'expérience Sony Online Entertainment (SOE), le développeur et éditeur de nombreux MMORPG (EverQuest sous toutes ses formes et suites, Star Wars Galaxies, PlanetSide, etc.). Dans une interview récente, John Smedley (président de SOE) rappelait que SOE travaillait « avec le groupe PlayStation pour les aider à développer le réseau PS3 » et qu'il ne faudrait pas s'étonner « de voir des titres [de SOE] tirer pleinement parti des avantages qu'offrent les capacités en ligne » de la console.
Pour peu que les possibilités de connexion de la console soient au rendez-vous, sans doute peut-on compter sur quelques titres massivement multijoueurs en plus de ceux déjà disponibles sur PS2 (et qui pourront être utilisés sur PS3).
Ces choix reposant sur le développement des jeux et services en ligne marquent sans doute une petite révolution sur le marché des consoles. Depuis plus de 20 ans, les constructeurs de consoles se sont appuyés sur un modèle économique extrêmement classique (reposant sur la vente de consoles, puis de cartouches ou CD de jeux à prix fort). Comme pour tout jeu offline, la rentabilité (selon le succès ou l'échec du jeu) est immédiate et uniquement calculée sur le volume des ventes de boites de jeu (en excluant un éventuel merchandising). Et ces succès ou échec commerciaux reposent très largement sur le constructeur de la console accueillant le jeu. Peu importe son développeur, un titre destiné à une console donnée est aisément catalogué comme un jeu XBox ou PlayStation.
Une diffusion dématérialisée change la donne. Depuis quelques années, le marché des MMORPG tend à le démontrer. Le seuil de rentabilité d'un MMOG ne dépend en aucun cas des ventes des boites de jeux (le prix de vente d'un MMO est généralement moindre que celui d'un jeu solo, quand le client n'est pas distribué gratuitement aux joueurs, en libre téléchargement). Une fois le jeu largement distribué, la rentabilité se calcule en fonction du nombre d'abonnés, s'acquittant d'un prix forfaitaire mensuel peu onéreux mais généralement à long terme (en moyenne, un joueur de MMO reste fidèle à son univers virtuel environ deux ans).
Il en va de même d'une distribution dématérialisée dans le cadre des consoles. Les principes de rentabilités des projets devront sans doute être réexaminés et réadaptés (à base de micro paiements à long terme), tout comme le partage des compétences. De "développeurs" de jeu soumis à un constructeur, les acteurs du monde des consoles devront se faire "exploitant", voire "animateurs" de leurs jeux (indépendants ou non des constructeurs).
article publié le 29 avril 2006
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