Rencontre-Débat « MMOG, du virtuel au réel »
Dossier consécutif à la consultation
B. L’exposition des mineurs à des contenus préjudiciables
Les mineurs constituent un public fragile que la société tente de protéger. Les MMOG, comme les jeux vidéo en général, sont susceptibles de constituer un risque pour ce type de public. Si certains jeux, comme ToonTown Online ou Teen Second Life, s’adressent spécifiquement aux mineurs, il n’en demeure pas moins que des contrôles sont en pratique difficiles à opérer. D’autres jeux sont, en revanche, réservés à un public adulte.
Outre les risques liés à l’environnement dans lequel les joueurs évoluent, les mineurs sont susceptibles d’être exposés par les autres joueurs à des contenus préjudiciables, y compris dans les jeux pour enfants, dès lors qu’une interaction est possible. Ce risque est commun à d’autres systèmes de communication comme les sites de discussion en ligne. Blackbird rappelle que les « chats sur le net […] sont bien plus dangereux que n'importe quel jeu vidéo ».
Des mécanismes d’information existent pour sensibiliser les parents sur certains risques. Des recours existent également pour protéger les mineurs à l’égard des contenus préjudiciables.
1. La classification de l’environnement de jeu
Le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL), sensible à l’intérêt des consommateurs, a mis en place un système de classification des jeux vidéo. Ce système a été repris et amélioré au niveau européen par l’Interactive Software Federation of Europe (ISFE) sous le nom de classification PEGI (Pan European Game Information).
Conçu pour éviter qu’en fonction de leur âge les mineurs ne soient exposés à des logiciels de loisirs aux contenus inappropriés, le système est soutenu par les principaux fabricants de console, ainsi que par la plupart des éditeurs et des développeurs européens de logiciels de loisirs.
Le système de classification par âge comprend deux éléments complémentaires. Le premier élément est un logo qui détermine l’âge minimum recommandé. Les catégories d’âge sont les suivantes : 3+, 7+, 12+, 16+ et 18+. Le second est une série de descripteurs de contenu. Ces icônes qui figurent au dos du paquet indiquent si nécessaire la nature du contenu potentiellement préjudiciable. En fonction du type de contenu, il existe 6 icônes. La nature préjudiciable potentielle du contenu doit s’apprécier en fonction de la recommandation d’âge.
5 228 licences PEGI ont été émises au 31 mai 2006. Selon une étude Nielsen de 2005, 81 % des parents vérifient la classification liée à l’âge. En revanche, le système de descripteur est moins bien compris par les consommateurs.
Ce système repose sur un choix de classification fait par l’éditeur lui-même, en fonction d’un référentiel établi par l’ISFE. Il est possible de déposer des réclamations auprès de l’ISFE en cas de classification contraire aux critères définis.
Selon Jean-Pierre Quignaux, la signalétique est le premier pas de l'auto-régulation, à préférer aux méthodes de contrôle parental. Le système PEGI ne prend toutefois pas en considération les risques d’être exposés à des contenus préjudiciables émanant d’autres joueurs (messages choquants par exemple). De plus, il ne prend pas en compte le caractère évolutif du monde virtuel. C’est la raison pour laquelle l’ISFE prépare actuellement l’adoption d’un système PEGI Online pour adapter son système aux jeux en ligne.
2. La responsabilité des acteurs du jeu
Comme l’a indiqué le Forum des droits sur l’internet, dans la Recommandation « Les enfants du Net (I) L'exposition des mineurs aux contenus préjudiciables sur l'internet » du 11 février 2004, « o n ne saurait […] renvoyer aux seuls parents et à la mise en place de logiciels de contrôle parental la responsabilité de prévenir l'exposition des jeunes publics à des contenus préjudiciables. Seule une combinaison des leviers juridiques, techniques et pédagogiques et d'une volonté politique affirmée paraît ainsi pouvoir apporter des réponses pertinentes » à la problématique de la protection des mineurs sur Internet.
Il a déjà été signalé, dans la partie consacrée aux règles du jeu, que l’ensemble des acteurs (éditeurs, animateurs et collectivité des joueurs) étaient responsables du bon fonctionnement et de la régulation interne du jeu. Des risques de dérives existent qu’il convient de circonscrire en permettant la remontée d’informations aux responsables du jeu. Les éditeurs sont très conscients de ce problème et ont mis en place des mécanismes d’alerte : numéro de téléphone dans Teen Second Life, cellule de réponses sur Oz, etc.
La conservation d’un certain nombre de données (messages échangés, déplacements, objets portés) par les éditeurs s’avère également indispensable aux fins de preuve, ce qui ne va pas sans susciter des risques d’atteinte aux libertés fondamentales des joueurs.
L’attention des joueurs doit être également attirée sur le fait qu’ils sont responsables des propos qu’ils tiennent dans le jeu. Ils doivent veiller au respect des dispositions protégeant les mineurs contre l’exposition à des contenus préjudiciables.
Cette vigilance à l’égard des mineurs heurte une partie des joueurs, qui ne connaissent pas forcément l’âge de leur interlocuteur en jeu. Cette méconnaissance limite d’ailleurs le risque pour les mineurs d’être choisis comme cibles par des joueurs malveillants.
La solution qui consisterait à cantonner les mineurs sur des serveurs dédiés apparaît inadaptée et est globalement rejetée. Elle serait non seulement difficile à mettre en œuvre, mais aussi dangereuse car elle désignerait l’endroit le plus adapté pour s’adonner à la recherche de proies mineures. Enfin, les joueurs insistent sur l’enrichissement que la mixité leur apporte.
En cas de dommage causé à un mineur, c’est en premier lieu la responsabilité civile de droit commun qui peut être retenue. Il est utile de rappeler que plusieurs textes répressifs protègent les mineurs contre l’exposition aux contenus les plus graves :
- l’article 227-24 du Code pénal dispose que « lefait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur » ;
- l’article 2 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse rappelle également que celles-ci « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. Elles ne doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse. »
- la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, prévoit aux articles 32 et suivants que lorsqu’un jeu électronique mis à disposition du public « présente un danger pour la jeunesse en raison de son caractère pornographique ou de la place faite au crime, à la violence, à la discrimination ou à la haine raciales, à l'incitation à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants, l'autorité administrative peut […] interdire » de le proposer à des mineurs et de faire de la publicité sur celui-ci, sauf dans les lieux dont l’accès est interdit aux mineurs.
- Fil de discussion sur les mineurs et majeurs dans les MMOG
- Recommandation du Forum des droits sur l'internet « Les Enfants du Net (1) – Les mineurs et les contenus préjudiciables sur l'internet »
- Site PEGI