Rencontre-Débat « MMOG, du virtuel au réel »
Dossier consécutif à la consultation
La presse sest emparée de deux achats sensationnels sur ce jeu. Une île virtuelle sest vendue la bagatelle de 26 500 dollars. Lacquéreur, un australien de 22 ans, souhaite tirer des bénéfices de la revente de concessions virtuelles et des droits de chasse sur son île. Quant à Jon Jacobs, alias Neverdie, joueur patenté, il a acquis une station spatiale virtuelle pour la modique somme de 100 000 dollars, dont il entend tirer des revenus (boîte de nuit, exploitation minière ). Pour attirer du public, Jon Jacobs a conclu des accords avec de vrais disc-jockeys, afin de diffuser de la musique bien réelle dans son lieu de divertissement.
Ce type de pratique ne va pas sans poser des difficultés juridiques. La création monétaire relève en effet du privilège démission des banques centrales. Outre le risque de crash spéculatif, le développement dune monnaie virtuelle sappuyant sur des créations numériques, ne risque-t-il pas de contrevenir à ce monopole ?
Sans aller aussi loin, Second Life sappuie également sur la confusion entre réel et virtuel.
- Fil de discussion sur léconomie des MMOG
- Aurélien Pfeffer, « La vente dobjets virtuels dans les MMOG » [jeuxonline.info] ( )
III. LES REGLES DU JEU
La définition des règles du jeu revient traditionnellement à léditeur, qui définit les comportements admis et rejetés. La volonté de contourner ces règles se retrouve dans tous les jeux.
La triche prend de multiples formes. Elle intervient à la fois dans le monde réel, en sattaquant au jeu ou aux serveurs, et dans le monde virtuel. Appartient-il à léditeur de fixer de manière unilatérale la règle du jeu ? Quelle est la place de la communauté des joueurs dans la définition des règles de vie commune ?
Il ressort de lanalyse que lon passe dun modèle de régulation venant des éditeurs ou du législateur (A) à une organisation plus complexe (B), où les joueurs partagent la responsabilité de lélaboration de la norme.
A. La limitation des attaques contre le jeu, les serveurs et les joueurs
De nouvelles formes de triche se sont développées et touchent les joueurs, les serveurs ou léquilibre du jeu. La triche concerne un nombre limité de joueurs mais peut avoir un impact sur lensemble du jeu.
Lineage II
Lineage II
Cest tout dabord lexploitation de failles qui occupe certains tricheurs. Ceux-ci vont tenter de trouver des erreurs dans le jeu, de manière à obtenir des avantages par rapport aux autres joueurs. Face à des univers riches et complexes, certains joueurs nhésitent pas à utiliser toutes les imperfections. De la découverte opportuniste à lattaque en règle des serveurs pour y déceler des failles de sécurité, il existe toute une palette de menaces nouvelles pour les éditeurs de jeu qui peuvent avoir des répercussions considérables sur la réussite commerciale dun jeu. Certains éditeurs ont en effet dû retirer des produits insuffisamment sécurisés, provoquant le mécontentement de nombreux utilisateurs.
Plusieurs jeux comme World of Warcraft, LineAge 2 ou La Quatrième Prophétie ont notamment subi des problèmes de « duplication » dobjets : un bien donné à un autre joueur pouvait, dans certains cas, être dédoublé au lieu dêtre transféré.
Lastuce peut être plus subtile et consister à développer un robot (ou « bot »), petit logiciel chargé de jouer à la place du joueur pour lui éviter dêtre présent derrière son écran. Certains robots simulent lactivité dun vrai joueur et tuent par exemple des monstres à la chaîne pendant plusieurs heures daffilée. Ils rompent alors léquilibre du jeu en conférant à leurs utilisateurs un avantage par rapport aux joueurs plus honnêtes.
La technique du filoutage (« phishing »), bien connue du monde bancaire, a été appliquée récemment à des comptes de jeux en ligne. Comme nous lavons signalé, le prix des comptes de haut niveau au marché noir peut atteindre des sommes allant de 150 à 2 000 . Des fraudeurs, reprenant les éléments graphiques des jeux, se font passer pour léditeur et tentent de récupérer les paramètres didentification de joueurs en envoyant des courriels en masse. Guild Wars, lun des jeux les plus populaires du moment, na pas échappé à cette pratique illicite. Léditeur de ce jeu a publié un communiqué de presse rappelant que les paramètres de connexion nétaient jamais demandés par courriel aux joueurs*.
Voir de manière plus générale le « 2e bulletin d'alerte de lObservatoire CyberConso du Forum des droits sur linternet : le "phishing", une nouvelle arnaque sur internet ».
D’autres techniques apparaissent pour tenter d’obtenir les paramètres de connexion des joueurs à leur insu. Un programme espion, qui contrôle les informations frappées au clavier pour les transmettre à des tiers a été développé visant spécifiquement le jeu World of Warcraft. Pour se prémunir de cette menace, à la diffusion heureusement restreinte, il convient de respecter les règles de sécurité habituelles (utiliser un firewall et un antivirus à jour ; éviter l’installation de logiciels douteux…).
L’apparition des MMOG a constitué un grand changement par rapport aux jeux vidéo classiques, en réduisant le risque de contrefaçon des jeux.
Toute violation de la propriété intellectuelle n’est pas pour autant absente. Des serveurs pirates sont en effet créés et maintenus par des petits cercles de joueurs, qui se procurent les sources du jeu. Ce type de serveur nécessite tout de même des moyens autrement plus conséquents que pour copier un jeu ordinaire : il faut un serveur d’hébergement, accéder aux sources, paramétrer le serveur et pouvoir animer le jeu.
Les joueurs voient plusieurs raisons d’être aux serveurs pirates. Ils permettent tout d’abord de découvrir le jeu avant de s’y abonner.
Ashen-Shugar’ relève toutefois que « Le plaisir de jeu sur un [serveur privé] n’est rien en comparaison d’un serveur officiel. » (Contribution)
Ils offrent ensuite un moyen de trier les joueurs à l’entrée. Pour Krarsht, ils offrent « le moyen de jouer à un jeu entre gens civilisés et un minimum matures » car la sélection y est plus élevée (référence).
Enfin, ils ont une utilité au terme de la vie du jeu, lorsque l’éditeur renonce à maintenir les serveurs officiels.
Saigneur ajoute que les serveurs pirates « font revivre le jeu » tel qu’il était à son apogée (Contribution).
Ces pratiques sont fermement proscrites par les éditeurs dans le contrat d’utilisateur final qui les lie aux utilisateurs. Elles sont sanctionnées par des peines dans le jeu allant de l’avertissement à la fermeture du compte en passant par le bannissement temporaire ou la privation des possessions. Blizzard, l’éditeur de World of Warcraft, a annoncé le 13 juin la fermeture de 30 000 comptes pour manquement aux règles du jeu. NCSoft a réagi de la même manière en supprimant plus d’un millier de comptes de joueurs utilisant des robots (référence).