Rencontre-Débat « MMOG, du virtuel au réel »
Dossier consécutif à la consultation
Compte tenu de la durée moyenne dabonnement, le prix total du jeu est en effet supérieur à celui dun jeu vidéo ordinaire. Alors quun jeu off line vaut environ 45 à 75 euros, un MMOG revient à plus de 100 pour six mois et dépasse les 300 pour deux ans. Un joueur de la première heure de Dark Age of Camelot, sorti en 2002, aura déboursé plus de 600 en 4 ans.
Dautres joueurs considèrent, à lopposé, que le coût de ce loisir est tout à fait supportable sil est rapporté au temps de jeu.
Encore faut-il que le joueur « y passe du temps » et « accroche au jeu » rappelle Krarsht (Contribution) qui privilégie les jeux offrant une période dévaluation gratuite mais hésite à acheter un jeu au risque dêtre déçu.
Quelques joueurs vont plus loin et déclarent être abonnés à plusieurs jeux. Certains disposent de plusieurs abonnements à un même jeu.
B. Économie des créations du jeu : entre séparation et confusion avec le réel
1. La création et léconomie du jeu : un modèle calqué sur le réel
De nombreux MMOG intègrent une dimension économique. Une monnaie virtuelle existe, qui permet déviter le troc et de réguler le marché des objets trouvés ou créés en jeu, daméliorer son avatar (tout vecteur représentant le joueur dans le monde virtuel : personnage, vaisseau spatial, etc.).
Entropia Universe
Entropia Universe
Léconomie du jeu est calquée sur le réel. La fabrication artisanale et la construction (« crafting ») sont des activités communes à la plupart des MMOG. Le principe consiste à passer du temps pour développer une forme dartisanat et à en tirer des revenus ou des avantages en jeu.
La richesse constitue un enjeu de pouvoir dans les jeux. Elle facilite la progression et permet déconomiser du temps. Certains personnages se sont même spécialisés dans le commerce et jouent alors le rôle de marchands ou de banquiers.
Des enchères virtuelles sont mises en place au sein des jeux et permettent aux joueurs de vendre leurs objets rares. Des mécanismes denchères en monnaie virtuelle ont même été développés en-dehors du jeu, tels que le marché de JeuxOnLine. Les joueurs peuvent y mettre en vente des objets virtuels en contrepartie de monnaie virtuelle.
Certains mécanismes sont censés limiter les risques dinflation inhérents à la profusion de biens virtuels disponibles en jeu.
Reflet de la société de consommation, léconomie repose sur la satisfaction de lego des personnages et des groupes. Lhabillement, la monture, la demeure sont autant de signes extérieurs de richesse. Par exemple, dans Dark Age of Camelot, les développeurs ont ajouté une zone résidentielle dans laquelle les guildes peuvent avoir une demeure allant de la maisonnette au manoir prestigieux, moyennant versement dun loyer mensuel (le défaut de paiement entraîne la suppression immédiate de la demeure et de son contenu. Il n’existe pas de droit au maintien dans les lieux…). Des trophées prestigieux, acquis au prix fort, viennent décorer les lieux et du personnel fournit des services au maître de maison.
2. La marchandisation des créations virtuelles
Un marché, cette fois-ci bien réel, est issu des MMOG. Une économie parallèle sest en effet développée autour des jeux. Plusieurs produits et services sont proposés par lintermédiaire de plates-formes déchange généralistes connues (comme eBay) ou spécialisées dans ce secteur (comme IGE.com ou Game4Power.com).
Quatre produits ou services sont proposés :
- laccompagnement ou le remplacement du joueur (ou « powerleveling ») : les joueurs peuvent louer les services dun accompagnateur personnel, sorte de professeur particulier, qui se chargera de faire progresser leur personnage dans le jeu moyennant paiement dun salaire. Le personnage de laccompagnateur suivra par exemple dans le jeu le personnage de son client pour laider à accomplir ses quêtes, lui fournira du matériel ou des protections supplémentaires, etc. Il pourra même se substituer à lui pour faire progresser le personnage à la place du joueur, jusquà un niveau convenu.
- le change de largent réel en monnaie virtuelle : comme il a été expliqué précédemment, largent virtuel est un élément clé de la progression et du statut social du personnage. Pour sépargner une lente accumulation de trésors, le joueur peut être tenté dacquérir directement la monnaie du jeu en la payant. Les systèmes proposés permettent cette opération, le prix étant déterminé pour chaque serveur en fonction de loffre et de la demande. Ainsi, au jour de la rédaction de ce dossier, il était possible dacquérir sur le site IGE.com 1 000 pièces dor de World of Warcraft pour 61,82 $ sur le serveur européen Uldaman. La même prestation est proposée à 49,98 $ sur Game4Power.com.
- les objets virtuels : plutôt que daccomplir maintes fois une quête avec une probabilité très faible dobtenir un objet convoité, des joueurs peuvent acheter des objets rares obtenus en jeu contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Un fait divers qui a fait le tour de la planète montre la valeur que peuvent atteindre certains objets : un joueur chinois qui avait obtenu un « Sabre Dragon », objet rarissime dans le jeu Legend of Mir 3, lavait confié à lun de ses amis de jeu. Celui-ci revendit lobjet pour léquivalent de 665 euros. Fou de rage, son ancien camarade lui infligea un coup de poignard mortel quelque temps après et fut condamné à mort avec sursis ( ). - les personnages / comptes de jeu : quand lintérêt pour le jeu sémousse ou que le temps manque, des joueurs sont tentés de « rentabiliser » leur investissement dans le jeu en revendant leur création la plus aboutie : leur personnage. Les transferts de personnages de compte à compte nétant, en règle générale, pas autorisés, cest lensemble du compte et donc tous les personnages qui sont transférés (transmission des paramètres didentification). Le prix dun compte oscille entre 150 et 2 000 euros, selon le niveau atteint par le(s) personnage(s), léquipement possédé, les compétences développées
Le marché des biens virtuels sest considérablement développé et professionnalisé ces dernières années. Plusieurs articles ont fait écho au phénomène des « farmers » chinois, ces mineurs des temps modernes payés pour jouer 12 heures par jour afin de revendre lor collecté en jeu. Edward Castronova (référence), professeur associé à lUniversité de lIndiana, a été le premier à fournir une étude controversée de ce marché (voir : Edward Castronova, « Virtual Worlds: A First-Hand Account of Market and Society on the Cyberian Frontier », décembre 2001). LAgence française pour le jeu vidéo évalue entre 100 et 800 millions de dollars le volume des échanges (référence).