Menso des MMO : De la scénarisation des MMO
Chaque mois dans le « Menso des MMO », nous revenons brièvement sur un point de l'actualité récente de la scène MMO mondiale. En mars 2011, la saison des salons de jeux vidéo reprend avec la GDC et la PAX East. Deux salons qui ont été l'occasion de (re)découvrir deux MMO se focalisant sur un contenu très scénarisé. Mais la scénarisation se prête-t-elle au genre massivement multijoueur ?
Le mois de mars marque traditionnellement le coup d'envoi de la saison des salons de jeux vidéo. Chaque année, la fine fleur de l'industrie vidéo ludique se donne ainsi rendez-vous à San Francisco à l'occasion de la Game Developers Conference (GDC) pour envisager l'avenir du genre (plutôt axé sur le jeu solo - les acteurs du jeu en ligne se retrouvent plus volontiers lors de la GDC Online d'Austin, en fin d'année) et enquille quelques jours plus tard avec la PAX East de Boston, plus communautaire et bon enfant, se voulant un rendez-vous convivial où les joueurs et développeurs peuvent se rencontrer. Les deux événements se veulent généralistes, mais forcément, quelques MMO s'invitent au coeur des stands, tables rondes et autres conférences.
Cette année, en matière de jeux massivement multijoueurs, on a notamment remarqué les présentations à la presse de The Secret World (le MMORPG ésotérique de Funcom) en marge de la GDC et la démo jouable de Star Wars The Old Republic durant la PAX East. Et hasard du calendrier et des événements, les deux titres entendent s'inspirer des grands principes de gameplay des jeux solos, dans un univers massivement multijoueur. Bioware l'annonce de longue date pour Star Wars The Old Republic : le studio appliquera dans le MMO, son savoir-faire en matière de jeu de rôle, pour impliquer le joueur dans un récit épique et une trame narrative l'immergeant dans l'univers (particulièrement riche) de Star Wars.
Funcom entend manifestement appliquer des principes sensiblement similaires dans The Secret World et, en ce sens, dévoilait les « quêtes d'investigation » de son MMORPG en marge de la GDC. Concrètement, en plus de plonger le joueur dans un monde ésotérique, empreint d'une réalité qui cohabite avec le mysticisme d'un Monde Secret à la fois dangereux et envoûtant, le jeu confronte des groupes de joueurs à des mystères plus ou moins épais, les obligeant mener l'enquête et à collecter des indices (que ce soit en interrogeant les témoins de phénomènes étranges - le policier d'une petite ville d'apparence calme - ou à être vigilants au moindre symbole insolite sur la façade d'un immeuble). Il faudra ensuite croiser ces informations, utiliser sa culture générale (voire faire des recherches sur Google, hors du jeu pour progresser ensuite lorsqu'on y revient) pour dénouer les énigmes de The Secret World.
Autant de codes plutôt linéaires qui appartiennent traditionnellement aux jeux solos et qu'on imagine peu dans le processus de missions d'un MMO, plus friand de « quêtes FedEx ». Et pour cause, un jeu solo s'articule autour de l'histoire du joueur et en fait de facto un héros. Dans un MMO, le joueur cohabite avec des milliers d'autres et faire en sorte qu'il soit un peu plus héroïque que ses milliers de congénères relève quasiment de la gageure.
D'autant plus que dans un jeu massivement multijoueur, les quêtes n'ont pas forcément vocation à immerger le joueur dans un univers. Dans les MMO, les quêtes sont plus généralement un simple outil de game design servant à la fois à aiguiller les joueurs géographiquement (les quêtes dirigent l'exploration du joueur pour qu'il reste toujours dans une zone ni trop simple - où il s'ennuierait - ni trop difficile - qui pourrait le rebuter). Les quêtes servent surtout à leur offrir une multitude d'objectifs à court terme, toujours facilement réalisables, afin de s'assurer que le joueur ait toujours une « liste de choses à faire » bien remplies (et qui se re-remplie au fur et à mesure qu'elle se vide), l'encourageant à prolonger son abonnement. Dès lors, bien souvent, on comprend que proposer une mission épique, ponctuée de moult rebondissements et se concluant en apothéose n'est pas forcément l'objectif d'un développeur de MMO dans la mesure où cette quête pourrait inciter le joueur à s'arrêter là, avec le sentiment du devoir accompli. Une série de missions plus insignifiantes, qui s'enchaînent, peuvent s'interrompre et se reprendre en cours de route, a le mérite de capter le joueur plus durablement.
Et même quand les développeurs de MMO s'essaient à un peu d'originalité dans la construction narrative de leurs titres, les joueurs ne répondent pas toujours présents - on en a l'exemple sur Rift, qui proposait notamment une série de quêtes complexes invitant le joueur à investiguer sur le passé des familles historiques de la cité de Pin de Bois du Crépuscule, frappées de malédiction... Dans ce cycle de quêtes, immergeant vraiment le joueur dans l'histoire d'une région, le joueur était à son tour amené à subir la malédiction (le mettant ainsi à la place de ceux qu'ils traquaient) et à souffrir de lycanthropie (l'empêchant initialement de fréquenter les villes du jeu et l'obligeant de trouver un remède pour se guérir). La quête était plutôt captivante et obligeait à s'intéresser à la trame du lieu. Mais la plupart des joueurs de MMO ne lisant pas les textes des quêtes, fussent-elles prenantes, ils furent nombreux durant le bêta-test de Rift à se plaindre de ne pas trouver la solution ou réussir à se guérir. La quête fut donc simplifiée et la malédiction peut maintenant être levée en tuant un monstre ou en payant un PNJ.
Au-delà de l'anecdote, on en vient à s'interroger sur la place des quêtes longues, complexes et scénarisées (souvent non lues et même lorsqu'elles sont doublées vocalement, on sait que les joueurs n'ont pas toujours la patience de les écouter intégralement) ou encore des trames narratives imbriquées dans les MMO. Car l'essence du MMO est sans doute ailleurs : on n'y joue pas forcément pour être le héros de son histoire, mais peut-être plus pour y vivre une expérience sociale et pour partager cette expérience avec d'autres.
Les joueurs de MMO ne sont peut-être tout simplement pas en attente de contenus scénarisés (sinon, ils joueraient à des jeux solos) et contentent peut-être bien volontiers des quêtes « FeDex » propres aux MMO.
Pour autant, le principe de « scénarisation » dans les MMO est-il une erreur ? Peut-être pas. Car si les joueurs de MMO ne sont pas toujours très réceptifs à ce type de contenu, peut-être qu'à l'inverse, les joueurs de jeux solos apprécieraient de jouer en groupe et de partager modestement une aventure équipe avec quelques comparses. C'est manifestement le pari de Funcom ou Bioware : attirer vers le jeu massivement multijoueur un type de public jusqu'alors peu réceptif aux MMO (qu'ils jugent souvent trop répétitifs, chronophages, compétitifs). Au travers des exemples de The Secret World (lors de la GDC) ou de Star Wars The Old Republic (lors de la PAX East), peut-être faut-il voir un petit pas vers un certain renouvellement du public de joueurs de MMO.
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