Régime juridique des « loot boxes », le parlement britannique répond
Saisi par les joueurs, le parlement britannique rend son avis sur le régime juridique applicable aux loot boxes et abord la problématique sous différents angles : les jeux d'argent, la protection du consommateur ou encore la classification des jeux.
On l'évoquait récemment, certains joueurs s'interrogent sur le régime juridique applicable aux loots boxes dans les jeux en ligne et le fait de leur appliquer (ou non) celui des jeux d'argent et de hasard -- car les loot boxes supposent d'investir une mise (en crédit de jeu, le plus souvent) dans l'espoir d'obtenir un objet de valeur mais avec le risque de ne recevoir qu'une babiole et certains y voient un mécanisme similaire à celui des jeux d'argent et de hasard, exploitant les mêmes ressorts psychologiques, mais intégré à des jeux vidéo s'adressant potentiellement à des publics mineurs ou vulnérables (qui ne sont juridiquement pas en capacité de parier).
Afin de mieux appréhender le régime juridique applicable à ces loot boxes, on se souvient que des joueurs avaient lancé une pétition afin de saisir le parlement britannique de la question et il vient d'apporter sa réponse.
On en retient notamment que le parlement britannique aborde la problématique sous plusieurs angles différents : celui des jeux d'argent et de hasard, des pratiques commerciales déloyales notamment à destination des mineurs et enfin de la classification des jeux.
Un jeu d'argent et de hasard ?
En mars dernier, les autorités britanniques s'étaient déjà intéressées aux jeux d'argent en ligne et le parlement s'appuie donc aujourd'hui sur ce rapport pour apprécier si les jeux vidéo peuvent relever du régime des jeux d'argent. Le parlement fait ainsi le distinguo : « quand les mécanismes de jeu proposés aux consommateurs britanniques mettent en jeu des objets in-game qui peuvent être convertis en argent réel ou que ces objets ont une valeur réelle, ces activités sont soumises aux autorisations de la Commission des jeux et doivent répondre aux exigences de protection des publics mineurs et vulnérables, ce qui intègrent des mesures devant empêcher leur accès aux mineurs ». Et de poursuivre : « il est interdit d'inciter les mineurs à parier, et toute infraction peut donner lieu à des poursuites pénales ».
On le comprend, le critère retenu par le parlement est donc celui de la « valeur réelle » d'un objet in-game, et donne lieu à précision :
« Là où il existe une possibilité pour les joueurs de jeux vidéo d'acheter une clef permettant de déverrouiller une boîte contenant un objet dont la valeur ou la quantité est inconnue, et où il est possible d'encaisser le prix de cet objet ou de l'échanger contre de l'argent ou un équivalent, ces éléments du jeu doivent vraisemblablement être considérés comme relevant des activités de jeux d'argent et de hasard. À l'inverse, quand le loot est limité à un usage strictement dans le jeu, cette fonctionnalité ne relève pas des jeux d'argent. La Commission des jeux de hasard travaille de concert avec l'industrie du jeu vidéo afin de prévenir toute intrusion des mécanismes de jeu d'argent sur leurs plateformes. »
Si le principe est clair, sa mise en application peut s'avérer plus complexe selon les jeux dans la mesure où la « valeur réelle » de l'objet est sujette à débat selon les titres -- par exemple, les loot boxes d'Overwatch ou les paquets de cartes d'HearthStone ont-ils une valeur strictement intrinsèque aux jeux de Blizzard quand il est possible de les acheter dans la boutique du jeu, mais aussi de les offrir à d'autres joueurs via la nouvelle option de « cadeau » de Battle.net (on reste dans l'écosystème de Blizzard mais on sort du cadre du jeu) ou quand la boutique intègre un système d'achat en « Jetons » permettant des achats d'objets virtuels mais ayant un cours en argent réel... De même pour ces MMO qui émergent et appuient leur économie in-game sur l'échange de crypto-monnaies. La réflexion du parlement n'est pas poussée si loin.
Des pratiques commerciales déloyales ?
Au-delà des mécanismes à l'oeuvre dans les jeux, le Parlement britannique rappelle aussi que ses ressortissants bénéficient de la protection des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales (posées par les Consumer Protection from Unfair Trading Regulations 2008).
Plus concrètement, les pratiques marketings considérées comme « trompeuses ou agressives » qui inciteraient donc un peu trop ouvertement les joueurs à acheter des loot boxes sont passibles de sanctions. Si le parlement ne livre pas d'exemples précis, il entend faire respecter ce principe, a fortiori quand elles ciblent des publics mineurs ou vulnérables et on imagine dès lors que les tribunaux pourraient être saisis de cas particuliers, afin de déterminer au cas par cas s'ils répondent ou non aux principes de protection en vigueur outre-Manche.
De la classification des jeux vidéo
Et si le parlement britannique détaille son avis sous l'angle strictement législatif (son premier domaine de compétence), l'institution n'en oublie pas non plus les organes de classification des jeux vidéo.
En Grande Bretagne, la classification relève du VSC (le Video Standards Council), qui travaille en collaboration avec PEGI (en charge de la classification des jeux en Europe). On le sait, le système PEGI régule déjà les contenus offrant « une représentation de jeux d'argent » dans les jeux vidéo (dans la mesure où ces contenus sont susceptibles d'apprendre aux joueurs à parier ou à jouer de l'argent) et ces contenus impliquent déjà une classification « déconseillé au moins de 12 ans ». Le VSC est en discussion avec PEGI afin de déterminer s'il convient ou non de faire évoluer cette classification, en vue notamment de la durcir.
Et pour motiver leurs choix, ces différentes institutions entendent s'appuyer sur les différentes études régulièrement menées conjointement en Grande Bretagne (celles de la Commission des jeux, du VSC, ou encore de l'Internet Safety Strategy qui oeuvre pour un « Internet plus sûr »). On le comprend, si le Parlement ne rend ici qu'un premier avis, les loot boxes (voire des éventuelles dérives qu'elles pourraient engendrées) s'imposent manifestement comme un sujet d'attention pour les parlementaires britanniques et pourraient donc donner lieu à une législation plus stricte à l'avenir s'il y a lieu.
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