Quel avenir : vers une nouvelle définition du MMO ?
La stratégie d'Ubisoft est claire (et on la retrouve chez nombre de ses concurrents de poids, que ce soit Bungie / Activision Blizzard qui proposent Destiny ou Rockstar qui signe Grand Theft Auto Online, entre autres). Mais elle interroge aussi sur l'avenir du MMO. Si les jeux solos s'inscrivent (tous) dorénavant dans des univers ouverts et souvent persistants, sont jouables en ligne seuls mais aussi à plusieurs, évoluent dans le temps dans le cadre d'une exploitation pérenne - c'est-à-dire qu'ils s'approprient nombre des codes du MMO, tout en s'exonérant de leur caractère massif et de certaines de leurs contraintes de gameplay - le MMORPG tel qu'on le connaissait il y a encore quelques années a-t-il encore un futur en Occident ?
Thomas Painçon répond par une question : The Division n'est-il pas déjà la nouvelle forme de MMO ? Quand bien même tous ces formats récusent le qualificatif de MMO, notamment parce que selon lui, le MMO est très connoté : le genre s'adresse à un public de niche, est très associé aux « hardcore gamers » et au PC, en plus d'avoir connu plusieurs échecs commerciaux retentissants qui effraient, alors que les nouveaux formats de jeux en ligne visent le très grand public qui joue plutôt sur consoles de salon (la nouvelle génération accueillent ces titres à bras ouverts) et parfois sur PC (qui « reste la mère des expériences online ») et de plus en plus régulièrement sur plateformes mobiles (via des expériences de second screen).
Au risque d'une simplification du gameplay pour être jouables partout et par tous ? Selon Thomas Painçon, il appartient aux développeurs « de répondre aux attentes », de « faire preuve de pédagogie » et de « démontrer que la richesse de gameplay est au rendez-vous » aussi sur ces nouveaux formats proposant des expériences nouvelles et à inventer. Et de souligner au passage qu'au-delà des bonnes intentions, les joueurs répondent déjà présents : Spartacus Legends (le jeu en ligne free-to-play de gestion / action inspiré de la série télévisée Spartacus de Starz!, distribué exclusivement sur consoles connectées) revendique quatre millions d'inscrits en deux mois d'exploitation et affiche « une croissance sur console plus rapide que les titres similaires sur PC ».
La demande de jeux connectés est déjà là, notamment sur consoles, et l'avenir serait donc déjà en marche. Une position qui fait écho à celles d'autres acteurs de poids en Occident, comme Take-Two qui lance GTA V (avec le succès qu'on connait) en Occident mais circonscrit ses MMO à l'Asie, convaincu que le MMO traditionnel ne fonctionne pas en Europe et sur le continent nord-américain.
Quelle perspective d'avenir pour le jeu en ligne ?
Dans ce contexte, comment le groupe Ubisoft envisage-t-il son avenir et l'avenir du jeu en ligne ? Résolument « multi canal ». Non seulement avec des jeux distribués sur toutes plateformes et s'adressant à des publics variés trouvant des expériences de jeu diverses dans un monde partagé, mais aussi en faisant d'Ubisoft un acteur de l'industrie du loisir et pas uniquement du jeu vidéo.
On le constate depuis déjà quelques années, Ubisoft diversifie ses activités et outre le jeu, s'intéresse notamment à la fiction, à l'animation (les Lapins Crétins), aux productions télévisuelles voire cinématographiques (Prince of Persia: les Sables du temps adapté à l'écran avec Walt Disney, en attendant Assassin's Creed en 2015), via sa filiale Ubisoft Motion Pictures, notamment, qui s'attèle aussi à une nouvelle adaptation, cette fois de la licence Tom Clancy's Ghost Recon.
Mais comme toujours chez Ubisoft, cette diversification s'accompagne d'une volonté de synergie. Le jeu vidéo doit donc profiter de l'expérience acquise au cinéma (et inversement) et le groupe souhaiterait « exposer » ses jeux comme on projette un film ou on diffuse une émission de télévision.
Comment ? Au travers du sport électronique par exemple, regroupant des compétiteurs mais aussi des spectateurs. Ubisoft a débuté avec les titres de sa filiale parisienne Nadeo, que ce soit TrackMania ou ShootMania Storm, et poursuit notamment avec son jeu de cartes à collectionner Duel of Champions qui compte déjà des tournois officiels régulièrement organisés dans le cadre de salons. Et au-delà des compétitions, le groupe entend créer plusieurs niveau d'implication des joueurs et des spectateurs (même sans être un grand joueur capable de saisir les subtilités d'une partie, tout spectateur peut s'intéresser aux « ligues » en lice dans un tournoi par exemple).
Pour autant, « ce serait une erreur de penser que tous les jeux, même compétitifs, peuvent se prêter à une déclinaison eSport ». Selon Thomas Painçon, la clef dépend de « la capacité de mise en scène » des jeux et donc leur capacité à capter le (grand) public. La « diffusion » du jeu doit être compréhensible par les joueurs, même néophytes, voire par le grand public. Et le groupe a déjà quelques idées en tête : Just Dance, le jeu de danse imaginé initialement comme un mini-jeu intégré aux Lapins Crétins et qui connait aujourd'hui un certain succès auprès de aficionados du genre, pourrait donner lieu à de vraies compétitions grand public. « Vous connaissez [le télé-crochet musical] The Voice, imaginez la même chose articulée autour de la danse et mis en scène avec Just Dance : c'est très visuel ». De quoi imaginer des joueurs de jeu vidéo se trémoussant dans le cadre d'émissions retransmises à la télévision à des heures de grandes écoutes (l'équivalent des tournois de ligues de StarCraft retransmises en Corée, mais pour la ménagère de moins de 50 ans française) ? Peut-être. Ubisoft promet quoiqu'il en soit quelques précisions sur son projet Just Dance TV d'ici la fin de l'année et on sera sans doute curieux d'y découvrir (l'un des) avenirs possibles du jeu vidéo.
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