La baisse de la natalité inquiète l'industrie sud-coréenne du jeu vidéo
Le taux de fécondité en Corée n'a jamais été aussi faible. Quelles conséquences pour l'industrie locale du jeu, qui s'adresse un public plutôt jeune ? Les studios coréens lorgnent vers de nouveaux marchés plus dynamiques (et féconds) comme l'Inde.
Fin février dernier en Corée du Sud, le bureau du recensement local actait une tendance qu’on connait depuis longtemps : le taux de natalité baisse inexorablement au Pays du matin calme, pour atteindre un taux de fécondité de 0,72 en 2023, « le pire score depuis l’établissement des statistiques en la matière en 1970 », faisant de la Corée le seul État de l’OCDE à avoir un taux de fécondité inférieur à 1. Très concrètement, 230 000 naissances ont été enregistrées en Corée en 2023, quand le pays dénombrait 300 000 nouveau-nés en 2017. En d’autres termes, la population coréenne compte de moins en moins de jeunes et vieillit rapidement.
Quelles perspectives pour l'industrie du jeu dans une Corée vieillissante ?
La question démographique inquiète les autorités locales de longue date – d’autant que les quelque 200 milliards d’euros investis par le gouvernement coréen pour encourager la natalité depuis 2006 « n’ont pas freiné » cette tendance à la baisse (la Corée est aussi le pays au monde où élever un enfant revient le plus cher). Phénomène plus récent, la question démographique commence aussi à inquiéter l’industrie locale du jeu vidéo dans la mesure le secteur est traditionnellement un milieu plutôt jeune, s’adressant à des consommateurs tout aussi jeunes. Qu’elles sont dès lors les perspectives de l’industrie du jeu dans une Corée vieillissante, alors même que l’industrie du jeu est un moteur économique important pour le pays ?
La question était soulevée ce matin dans le cadre de la dernière conférence d’actionnaires de Krafton, en Corée du Sud. Et le patron du groupe, Changhan Kim, indique en effet prendre acte du déclin de la natalité de son pays et des conséquences que ça implique pour son activité – le marché vidéo ludique coréen stagne, mais la corrélation directe entre les deux tendances semble complexe à établir. Toujours est-il que si Changhan Kim se dit « très inquiet en tant que citoyen », il considère néanmoins que sa priorité va à sa société et face au ralentissement du marché coréen, Krafton mise maintenant sur de nouveaux marchés extérieurs plus dynamiques, à commencer par l’Inde (pays le plus peuplé de la planète, ayant récemment devancé la Chine). La licence Battleground y rencontre un solide succès et le studio intègre maintenant des références à la culture indienne dans certains de ses jeux (par exemple dans son jeu mobile Road to Valor: Empires).
Une tendance à l'internationalisation
Et Krafton n’est pas le seul à lorgner hors des frontières coréennes. Pearl Abyss fait de même depuis maintenant quelques années avec sa licence Black Desert (77% de son chiffre d’affaires est réalisé hors de Corée et 56% en Occident). Même tendance chez Nexon, acteur historique du marché asiatique qui réalise déjà plus de 40% de son chiffre d’affaires « à l’étranger ». Avec un certain retard (comme souvent), on constate encore cette même tendance chez NCsoft, qui découvre finalement les « marchés étrangers » après s’être focalisé quasi-exclusivement sur la Corée pendant des années (que ce soit en nouant des partenariats avec des exploitants occidentaux comme Amazon Games pour Throne and Liberty ou en distribuant directement ses jeux plus modestes sur Steam comme prochainement Battle Crush).
Tous adaptent leur production en conséquence et imaginent aujourd’hui des jeux « conçus pour un public international » (et non plus uniquement calibrés pour les joueurs coréens). La tendance démographique pourrait aussi avoir des conséquences sur le format de jeux développés par les studios : chez Krafton, Changhan Kim fait aussi le constat qu’en Occident, le jeu vidéo n’est plus depuis longtemps seulement une affaire de « jeunes » (l’âge moyen des joueurs y est de plus 30 ans) et les jeux sont également pensés en conséquence. En d'autres termes, le jeu vidéo n’est pas encore un « loisir de vieux », mais manifestement, la question démographique n’échappe pas aux acteurs du secteur.
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