Les seniors, ces gamers qui se sentent négligés par l'industrie du jeu

Les populations de joueurs vieillissent et pour autant, l'offre vidéo ludique ne s'adapte pas : il n'existe que peu de jeux spécifiquement pour les seniors et surtout, la plupart des jeux ne prend pas en compte les spécificités de l'âge. 

Le jeu vidéo est-il encore un loisir de jeunots ? Manifestement de moins en moins. On le sait, en France l’âge moyen du joueur de jeu vidéo est déjà de 38 ans, et 63% des 50-64 ans jouent au moins occasionnellement au jeu vidéo, tout comme 41% des 65 ans et plus. Aux Etats-Unis, selon l’AARP (l’Association des retraités américains), 9% des joueurs américains ont entre 55 et 64 ans, 7% ont déjà plus de 65 ans. Et on comprend aisément cette démographie : le jeu vidéo s’est démocratisé dans les années 1980 et ceux qui ont découvert le jeu vidéo à l’époque alors qu’ils étaient enfants ou adolescents ont aujourd’hui plus de 40 ans, voire de 50 ans – et jouent avec leurs enfants ou leurs petits-enfants.

Les seniors, un marché à prendre mais une offre limitée

Les seniors s’imposent donc progressivement comme un « marché » susceptible d’intéresser l’industrie du jeu et pour autant, l’offre vidéo ludique destinée aux joueurs âgés est encore très limitée – les développeurs ciblent certes déjà les familles, mais peu les seniors en tant que catégorie de joueurs. Et au-delà même d’une offre spécifique, les développeurs ne prennent pas en considération le vieillissement des joueurs, voire n’en ont pas conscience – aux Etats-Unis, seuls 13% des développeurs auraient plus de 45 ans.

Silver Geek

C’est le constat que fait la chercheuse Celia Pearce qui enseigne la conception de jeux à a Northeastern University de Boston et dont les propos sont rapportés par l'AARP (*.pdf). L’universitaire remarque notamment qu’il est souvent impossible de modifier la taille du texte dans les jeux et qu’un texte affiché dans des caractères trop petits peut être rédhibitoire pour des populations de joueurs dont la vue baisse. Idem pour les joueurs souffrant d’arthrite qui peinent à utiliser une manette avec autant de dextérité que les joueurs les plus jeunes (raison pour laquelle la Wii rencontre un certain succès dans les maisons de retraite).
Certains tutoriaux de jeux considèrent aussi comme acquis certains principes vidéo ludiques, évidents pour certaines catégories de joueurs (jeunes), mais qui le sont moins pour des joueurs âgés – évoquant notamment le cas de ces joueurs occasionnels de longue date qui s'intéressent ensuite à des jeux plus exigeants (des blockbusters vidéo ludiques) et peinent à y trouver leur marque. Celia Pearce encourage donc les développeurs à considérer les tutoriaux pour ce qu’ils sont : des guides dont les énoncés doivent être clairs pour tous les publics. Même constat en matière de matchmaking : il pourrait être pertinent d’intégrer une notion d’âge dans la formation des équipes des jeux compétitifs pour davantage d’équité dans les affrontements en ligne.

Un bienfait pour les seniors

Selon Celia Pearce, il y a donc un marché à prendre et si les joueurs âgés jouent principalement à des jeux occasionnels (comme la plupart des autres catégories de population de joueurs) et à des jeux d'entraînements cérébraux, ils s’intéressent manifestement aussi aux jeux narratifs. La société Arkadium, spécialisée dans les puzzle games, entend se saisir du sujet. En plus d’être un créneau à saisir, la pratique du jeu vidéo est aussi un bienfait pour les seniors : elle contribue à améliorer « la santé et le bien-être des seniors, à développer les liens sociaux et intergénérationnels, tout en réduisant la fracture numérique » – dixit l’association Silver Geek qui s’est précisément fixée pour mission de faire jouer les plus âgés et qui organise régulièrement des tournois d’esport pour seniors.

L'article a été mis à jour afin de préciser l'enjeu des tutoriaux dans les jeux vidéo.

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