Quand la guerre russo-ukrainienne se joue aussi dans l'industrie du jeu

Depuis maintenant cinq jours, les troupes russes tentent d’envahir l’Ukraine et si les territoires ukrainiens sont le théâtre d’une vraie guerre militaire qu’on n’imaginait plus possible en Europe, le conflit se joue aussi hors des champs de bataille : une partie de l’Occident mène une guerre économique à la Russie pour priver Vladimir Poutine des ressources nécessaires à la poursuite du conflit et cette guerre devient aussi un enjeu de communication et de soft power – la médiatisation du conflit contribue au soutien international accordé à l’Ukraine quand son « invisibilisation » profite davantage à des forces russes susceptibles d’employer des moyens militaires lourds.

De façons évidemment infiniment plus anecdotiques (mais auxquelles on se cantonnera ici), l’industrie du jeu aussi se mobilise dans cette guerre, notamment pour organiser des levées de fonds au profit des victimes ukrainiennes. Dès jeudi dernier, plusieurs studios de développement notamment ukrainiens et d’Europe de l’est se positionnaient : c’est le cas par exemple de GSC Game World basé à Kiev (à qui l’on doit S.T.A.L.K.E.R. ou la série de stratégie Cossacks), de Vostok Games (Survarium) ou encore de Frogwares qui dénoncent l’agression russe envers leur pays. Des studios polonais se sont aussi rapidement manifestés, comme CD Projekt ou Whitemoon Games (le développeur du MMORPG Broken Ranks, qui a levé 130 000 zlotys polonais pour la Croix Rouge ukrainienne). Dans le lot, on retient peut-être aussi principalement 11 bit studios qui a été parmi les premiers à réagir et à promettre de reverser les bénéfices hebdomadaires générés par les ventes de son jeu antimilitariste This War of mine à la Croix Rouge, en soutien aux victimes de la guerre.

Un choix diversement apprécié par les utilisateurs de Steam à travers le monde : le jeu a fait l’objet de review bombing sur la plateforme de Valve, où des utilisateurs manifestement plutôt russes et chinois se sont attelés à dégrader la note du jeu. Réaction immédiate de joueurs soutenant l’effort ukrainien : la note s’envole pour (re)devenir largement positive. Ces notes ne sont sans doute pas le reflet d’un avis objectif sur le jeu (au demeurant, plutôt salué par la critique depuis sa sortie) et portent plus vraisemblablement sur l’image et l’initiative du studio. Toujours est-il que les joueurs semblent avoir choisi leur camp et l’équivalent de 160 000 dollars a été récolté en 24h, complété de plus de 240 000 dollars abondés par CD Projekt via sa plateforme GoG.

Depuis, nombre de studios ont suivi l’exemple de 11 bit à travers le monde, incluant en vrac Ubisoft qui annonce un soutien financier à ses salariés ukrainiens, Bungie qui procédera à un don via son opération de charité Game2Give, ou encore Digital Extremes qui annonce un don de 100 000 dollars à la Croix Rouge, entre autres. Si ces initiatives sont évidemment anecdotiques au regard de la réalité du terrain en Ukraine, les guerres d'aujourd'hui ne sont pas manifestement pas seulement militaire et se jouent aussi en dehors des champs de bataille.