Le MMORPG d'une année 2020 (chiche) à une année 2021 (plus riche)
À l'évidence, très peu de nouveaux MMORPG ont été lancés en 2020 – notamment du fait de nombreux reports. 2021 s'annonce bien plus riche, dans tous les sens du terme : davantage de MMORPG sont annoncés, avec de plus gros budgets.
En bref. Cette année 2020 devait être celle du lancement de plusieurs nouveaux MMORPG mais pour la plupart et pour différentes raisons, les dates de sortie de ces titres ont été repoussées. Et curieusement, les quelques MMO rescapés cette année semblent davantage encourager les joueurs à jouer seuls ou en petit comité qu’à réellement interagir massivement – au point que certains acteurs traditionnels du jeu en ligne ont fait évoluer leurs projets et assument maintenant de concevoir des jeux en ligne solos (que ce soit le Chinois miHoYo, avec succès cette année, ou encore le Coréen Pearl Abyss l’année prochaine).
Pourquoi cette évolution ? Et quelles perspectives peut-on en déduire pour 2021 ? Sans doute notamment qu’un marché moins encombré permet l’émergence de nouveaux acteurs, proposant de concepts de jeux en ligne et de MMORPG renouvelés, et à l'évidence, ces acteurs se donnent les moyens (financiers) de les réaliser.
Evidemment, à bien des égards, cette année 2020 a été très particulière. On ne reviendra pas sur le contexte sanitaire, mais l’industrie du jeu vidéo en a aussi subi les conséquences : positives parfois, quand les périodes de confinements ont permis d’enregistrer des records de connexions sur bon nombre de jeux en ligne ; mais aussi négatives quand les studios de développement ont dû repenser leurs plannings (ralentir leur cadence de production ou faire des concessions en termes de fonctionnalités) notamment du fait du télétravail.
Faut-il y voir la raison du faible nombre de lancements de nouveaux MMORPG au cours des derniers mois ? C’est très possible.
Peu de nouveaux MMO en 2020
On retiendra quoi qu’il en soit de cette année 2020 que très peu de nouveaux MMO ont accueilli les joueurs dans des univers inédits – alors même qu’on en attendait plusieurs en version commerciale, en version localisée ou simplement au moins en phase de tests.
Des reports. En vrac et dans le désordre, le point d’orgue de cette année 2020 pour les joueurs occidentaux de MMORPG aurait sans doute dû être New World, mais Amazon Games Studios en a repoussé la sortie pour prendre le temps de mieux prendre en compte l’avis des premiers testeurs – peut-être échaudé par l’expérience de Crucible, lancé sans tests et fermé dans la foulée. On attendait aussi une version occidentale de Lost Ark, seules les versions russe puis japonaise ont été lancées parallèlement à la version originale sud-coréenne. Crowfall ou Dual Universe ont lancé leur bêta respective après quelques années d’alpha, mais les deux MMO ont manifestement encore besoin d’un peu de temps pour attirer les joueurs massivement. Camelot Unchained semble simplement avoir ajouté une année supplémentaire aux nombreuses autres qui la précédaient déjà. Ashes of Creation fait déjà l’objet de tests ponctuels, mais les choses sérieuses débuteront en avril 2021 avec le lancement d’une Alpha 1 d’un mois, tout comme les tests de Corepunk (repoussés à « 2021 ») ou de Pantheon: Rise of the Fallen dont le développement progresse lentement...
Et peu de sorties. En 2020 et sur le front des nouveaux MMORPG d’envergure, il faut peu ou prou se contenter du lancement d’Elyon, en Corée du Sud. Le titre est prometteur, affiche de vraies ambitions en terme de gameplay multijoueur, mais le jeu n’est pour l’instant disponible qu’en Corée – et ne sera lancé en Occident qu’à la fin de l’année 2021.
En Occident, on peut y ajouter Bless Unleashed, lancé sur consoles, et qui se révèle finalement une meilleure surprise qu’on ne pouvait le craindre initialement, mais qui se fait encore attendre sur PC. Evidemment, les joueurs de MMORPG ont aussi pu compter sur Shadowlands – pas un nouveau MMORPG, mais la huitième extension de World of Warcraft et celle qui s’est la mieux vendues dans l’histoire du titre de Blizzard. The Elder Scrolls Online peut aussi toujours compter sur une population de joueurs fidèles et cette année comme les précédentes, le titre a écrit un nouveau chapitre à son histoire avec une nouvelle extension annuelle, Greymoor – qui immergeait cette fois les joueurs dans une sombre histoire de sorcières, de vampires et de loups garous. On pourrait aussi retenir Torchlight 3, si ce n’est que le jeu d’Echtra Games a changé son fusil d’épaule pour renoncer à sa dimension « massive » (ce n’est plus un MMO) et (re)devenir un jeu en ligne simplement multijoueur...
On le comprend, cette année 2020 se révèle un peu chiche en termes de nouveautés pour les amateurs de jeux massivement multijoueurs. Le contexte sanitaire n’y est pas étranger. Peut-être peut-on l’expliquer aussi par le fait que l’année 2019 avait été marquée par le (re)lancement de plusieurs versions « Classic » de MMORPG historiques, encourageant donc peu le renouvellement de l’offre MMO de 2020.
Et des MMO aux mécaniques solos
Jouer à côté des autres, voire tout seul. Mais au-delà du nombre, ce qui frappe surtout, c’est sans doute que les jeux massivement multijoueurs de cette année 2020 font la part belle aux mécaniques de jeux en petits comités, voire en solo. Bless Unleashed est pensé pour être un jeu console qui favorise peu les interactions ; Shadowlands et Greymoor laissent une large place à la narration et à l’histoire d’un héros... Cette année a aussi été marqué par le changement de cap de Crimson Desert par le studio Pearl : le jeu devait être un « MMORPG next-gen », il sera finalement un titre hybride mêlant des mécaniques de jeux narratives pour un joueur solitaire et des phases de jeux à plusieurs quand le joueur le souhaite.
Et cette année 2020 a sans doute aussi été celle de l’imposant succès populaire de Genshin Impact : le jeu n’a jamais été présenté comme un MMO même s’il est jouable en ligne et est régulièrement mis à jour, il fait la part belle aux phases de jeu en solitaire, et c’est bien à ce (nouveau) jeu-là que bon nombre de joueurs en ligne ont décidé de jouer cette année – dans des proportions bien plus considérables qu’on ne l’imaginait (à commencer par le développeur lui-même, le studio miHoYo), grâce à un bouche à oreille positif.
Faut-il dès lors affirmer que, « ça y est, cette fois c’est sûr, le MMO est mort ! » ? Ce serait peut-être enterrer le genre un peu vite – une fois de plus. Mais pour autant, comment expliquer cet appétit pour des jeux en ligne plus solitaires, tant chez les développeurs que chez les joueurs ?
On peut avancer plusieurs raisons. Sans doute parce que les communautés de joueurs ne sont pas toutes aussi accueillantes qu’on pourrait l’espérer : les joueurs « toxiques » sont omniprésents dans certains univers, et dans un monde (en ligne) de plus en plus polarisé, voire radicalisé, les échanges avec des inconnus ne sont plus toujours aussi légers et ludiques qu’il y a encore quelques années. Les studios se saisissent de cette problématique et les joueurs sont davantage enclins à jouer avec des proches, en petits comités – avec des amis ou les membres d’une guilde. Les périodes de confinement et leurs records de connexion l’ont démontré : les joueurs en ligne sont avides d’échanges et d’interactions, mais utilisent manifestement plus volontiers les jeux en ligne pour garder le contact avec des connaissances ou ceux qu’on ne peut plus côtoyer physiquement « comme avant » que pour faire des rencontres avec des inconnus.
Peut-être aussi parce que le genre massivement multijoueur s’inscrit dans un temps long et que le marché des MMO a évolué. Le dernier lancement de MMORPG d’envergure remonte à 2015 avec Black Desert. Depuis, le genre repose principalement sur des reboots et des mises à jour de titres existants. C’est amplement suffisant pour faire vivre certains MMO avec des bases solides, mais à l’évidence, d’autres s’étiolent avec le temps, peinent à se renouveler et finissent par lasser.
Une année 2021 plus riche en MMORPG
Qu’en déduire ? Que le climat est propice à une évolution. Le marché des MMO est moins encombré qu’il ne l’a été et les attentes ont évolué. Deux facteurs qui inclinent aux développements de nouveaux titres, et manifestement, on devrait en découvrir certains au cours de cette année 2021.
En Occident, bon nombre de MMO qui étaient attendus en 2020 et ont été retardés arriveront au moins en phase de tests courant 2021 – en vrac, New World et son approche « AAA », Ashes of Creation et son gameplay pensé pour encourager les interactions entre joueurs, Corepunk et son univers mêlant fantasy et cyberpunk, le MMO sandbox de science-fiction Dual Universe ou encore Crowfall et ses campagnes PvP, voire peut-être Pantheon: Rise of the Fallen pour les amateurs de PvE. On peut y ajouter par exemple Mortal Online 2 (la refonte du premier opus et son gameplay hardcore), la simulation spatiale Starbase, et puis Fractured du studio indépendant Dynamight qui affiche quelques idées intéressantes (comme le fait d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences en observant les monstres et les autres joueurs), ou encore Phantasy Star Online 2: New Genesis qui, sans être réellement massif, promet néanmoins d’immerger les joueurs dans un monde plus ouvert que la version de base du jeu en ligne.
Et comme souvent, l’Asie est particulièrement dynamique en matière de MMORPG. Fin 2021, on attendra la version occidentale d’Elyon avec ses affrontements d’envergure (signés par d’anciens développeurs de Tera chez Krafton), mais aussi les annonces de plusieurs géants de l’industrie locale du jeu en ligne. Le groupe japonais Bandai Namco devrait lancer Blue Protocol (en 2021 sur PC) pour immerger les joueurs dans un univers d’inspiration anime. En Corée du Sud, le studio XL Games va contribuer à renouveler l’offre de MMO avec ArcheAge 2, qui suscite déjà une certaine curiosité.
Le groupe NCsoft reste aussi évidemment un acteur majeur en la matière : le développeur s’est certes consacré aux MMO mobiles ces dernières années – on en verra les fruits rapidement avec Blade & Soul 2 dès le premier semestre 2021, puis Aion 2, et les deux titres sont présentés comme des exemples de jeux cross-plateformes (jouables sur mobiles et PC). Et surtout, 2021 devrait être l’année du lancement coréen du Project TL/TL Origin (sur PC) et illustrer dans quelle mesure NCsoft peut contribuer à renouveler le genre, notamment sur un plan technique (le groupe focalise une part significative de ses activités sur le développement d'IA). La rumeur y ajoute deux autres projets sur PC : l’énigmatique Project LW (manifestement pour « Lineage World ») et le Project A2 qui reposerait sur la licence Aion.
Des studios plus confidentiels préparent également des projets intrigants : les vétérans de Neople devraient lancer le Project BBQ (le MMO anime sur PC inspiré du très populaire Dungeon Fighter Online et son gameplay d'action) et ceux de JandiSoft dévoileront Mad World, ce MMO réalisé intégralement en HTML5 (ne nécessitant pas de télécharger un client de jeu). Le studio Npixel lancera dès janvier son MMO anime Gran Saga (d’abord sur mobiles, puis sur Steam), avant de sortir l’ambitieux Odin: Valhalla Rising présenté comme un projet cross-plateforme. Idem pour The Ragnarök de NetEase qu’on attend simultanément sur PC, consoles et plateformes mobiles, ou encore pour Rise qui entend mêler narration et gameplay compétitif. Une approche cross-plateforme qui oblige à repenser ses mécaniques de jeu, et qui devrait aussi diversifier le public de joueurs ciblés par les studios.
Dans le lot, on comptera sans doute un certain nombre de déceptions. Mais ce qu’on retient néanmoins d'ores et déjà, c’est que tous ces projets profitent de budgets (très) élevés. Pendant bien longtemps, quelques géants de l’industrie du MMO se sont partagés le marché (jusqu’à le scléroser ?) et ne laissaient qu’un peu de place à des studios indépendants peinant à émerger. On constate aujourd’hui que le secteur est de nouveau investi par des groupes de très grande envergure, et que ces groupes sont prêts à mobiliser des budgets parfois très imposants (plusieurs millions voire dizaines de millions de dollars). Et en attendant de tester ces titres sur pièce, c’est sans doute au moins l’amorce d’un certain renouveau.
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