L'édito des MMO - Le jeu en ligne à l'heure du confinement
C’est l’un des effets collatéraux de la pandémie de Covid-19 et des mesures de confinement : le jeu suscite un regain d’intérêt très significatif et attire de nouveaux publics (notamment féminins). Mais pour quels effets durables ?
Peu importe le secteur d’activité, l’actualité récente est à l’évidence (très largement et logiquement) dominée par la pandémie de Covid-19. Au-delà de ses effets dramatiques sur un plan sanitaire pour les malades et ensuite en termes économiques, on en connait la principale conséquence : plus d’un tiers de la population mondiale serait aujourd’hui soumise à des mesures de confinement plus ou moins drastiques, afin de ralentir la propagation du coronavirus.
Un regain d'intérêt pour le jeu
Dans ce contexte de confinement, Internet reste une petite fenêtre entrouverte sur le monde, que ce soit pour télé-travailler ou suivre des cours depuis chez soi, rester en contact avec ses proches à distance, mais aussi évidemment pour se divertir et occuper son temps. Et évidemment, le jeu vidéo (en ligne) y tient une place particulière – qui se traduit en chiffres depuis quelques jours, voire quelques semaines.
D’après le groupe télécom américain Verizon, les pratiques vidéo ludiques auraient progressé de 75% aux heures de pointe sur ses réseaux depuis l’instauration des mesures de confinement – pour une hausse globale de 20% des usages web. Dans le même esprit, Steam a enregistré un nouveau record de joueurs actifs sur sa plateforme (22 millions de joueurs le 25 mars, 23,5 millions le 31 mars pour 7,25 millions de joueurs connectés simultanément) et en France, d’après le cabinet FoxIntelligence (spécialiste du e-commerce), le jeu vidéo est l’un des quelques secteurs économiques à tirer son épingle du jeu actuellement, malgré la morosité économique qui s'annonce : les achats de jeux vidéo en ligne connaîtrait un bon de 265% depuis le confinement, notamment porté par un engouement nouveau de la part des femmes (on compterait six fois plus de joueuses aujourd’hui en période de confinement qu’en temps normal, bigre !).
Le jeu, une activité sociale
Comment expliquer cet intérêt pour le jeu ? Evidemment parce qu’en temps de confinement ou non, le jeu reste un moyen efficace de se divertir et d’occuper son temps.
Mais le jeu en ligne est aussi naturellement porteur de liens sociaux, permettant de rester en contact : bon nombre de joueurs et joueuses en ligne ont déjà fait des rencontres amicales (voire plus si affinité) après avoir exploré ensemble des mondes virtuels, affronter des bosses de concert ou s’être affronté sur un champ de bataille ; on ne compte plus les membres de guildes qui continuent de jouer ensemble d’un MMORPG à l’autre parce qu’ils ont noué des liens solides entre eux ; ou ces joueurs compétitifs qui gagnent en efficacité à force de développer des automatismes avec des coéquipiers dont ils connaissent par coeur les réactions et comportements in-game.
Idem pour ces parents éloignés (suite à un divorce par exemple), voire pour des grands-parents qui restent en contact réguliers avec leurs enfants et petits-enfants en jouant en ligne, ensemble. Et évidemment, ces comportements sont exacerbés en période de confinement.
La réalité transposée en ligne
Au-delà de ces pratiques bien connues des joueurs, cette période de confinement en révèle peut-être aussi quelques autres. Par exemple, à défaut de pouvoir organiser des compétitions sportives traditionnelles (les rassemblements dans les stades étant interdits actuellement), certains sportifs les transposent en ligne : le 15 mars dernier, des joueurs de la Liga se sont affrontés dans Fifa 2020 (l’attaquant du Betis Séville Borja Iglesias a ainsi apporté la victoire à son équipe dans le jeu d’EA contre Sergio Reguilon qui jouait pour le Séville FC), le tout retransmis sur Twitch devant 60 000 spectateurs. En France, le tennisman Nicolas Mahut et son fils ont créé GamersduCoeur visant à organiser des tournois caritatifs (toujours sur Fifa) permettant à des joueurs amateurs et professionnels (de sports traditionnels) de s’affronter dans des compétitions bon enfant – plusieurs centaines de participants sont attendus de 2 au 9 avril dans une première phase compétitive pour les amateurs, qui affronteront ensuite du 10 au 12 avril des sportifs professionnels. Les frais d’inscription du tournoi seront reversés aux hôpitaux de Paris.
Et ces incursions de la sphère « gaming » ne se limitent au monde du sport. Pendant le confinement, les professeurs continuent de faire cours, mais à distance. Du moins dans un premier temps, les infrastructures de l’Education nationale ont parfois rapidement montré leur limite, peinant à tenir la charge. Certaines classes ont alors migré sur des solutions estampillées « gaming », que ce soit sur Discord ou Twitch – certains professeurs ayant eu la surprise de noter que certains de leurs cours (en ligne) étaient alors suivis par davantage d’élèves que ceux recensés en classe (en présentiel). Et certains élèves en échec ou décrochage scolaire y trouveraient leur compte aussi, puisque les cours en ligne leur permettraient de s’affranchir de certaines des contraintes des cours présentiels (les horaires, les carcans stricts ou une discipline un brin rigide) et ils redécouvriraient ainsi le plaisir de l’apprentissage.
On ne dressera évidemment pas un tableau trop idyllique de la situation (les cours en ligne imposent leur lot de contraintes et exacerbent les inégalités notamment technologiques), mais on sait que le jeu peut être un outil pédagogique puissant et le contexte pourrait contribuer à le démontrer de nouveau.
Et des bonus pour rester à la maison
Et sans surprise, depuis quelques semaines, l’industrie vidéo ludique s’adapte à ce regain d’appétit pour le jeu. Bon nombre d’éditeurs proposent certains des titres de leur catalogue gratuitement, distribuent des démos, ou encore des bonus in-game pour encourager les joueurs à « rester chez eux », confinés – pour « faire leur part » et sans doute aussi avec quelques arrières pensées promotionnelles. Et certains studios, qui s’étaient faits une spécialité de « faire sortir les joueurs de chez eux » (comme Niantic, avec Ingress, Pokemon Go ou plus récemment Harry Potter: Wizards Unite) ont rapidement revu leur copie pour adapter leur gameplay à des expériences de jeu en intérieur – avec succès puisque Pokemon Go enregistre par exemple actuellement des records de chiffre d'affaires hebdomadaire (23 millions de dollars la semaine dernière, en progression de 67% par rapport à la semaine précédente).
Si l’on n’espère évidemment pas que cette période de confinement se prolonge trop longtemps (ce serait synonyme de pandémie encore plus durable qu’elle ne l’est déjà), on constate que les gamers et plus largement l’industrie du jeu sont peut-être l’un des rares secteurs à s’accommoder le plus aisément de cette période de crise.
Et on peut peut-être se demander ce qu’il en restera une fois la pandémie passée. Est-ce que tous les confinés ayant découvert le jeu ces dernières semaines resteront des joueurs durablement, et sur quels types de jeux ? Est-ce que le regard des acteurs du sport traditionnel sur l’esport changera durablement ? Est-ce que l’Education nationale laissera davantage de place aux jeux dans ses méthodes pédagogiques ? Une fois la propagation du virus enraillée, malgré son lot de drames et de façon bien plus légère, on sera peut-être curieux d’en examiner les effets sur les jeux et les joueurs dans les quelques mois à venir.
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