Les plateformes à abonnement : « une chance de lutter contre l'homogénéité des jeux AAA »

L'émergence de plateformes à abonnement est-elle souhaitable pour l'industrie du jeu AAA ? Mark Darrah et Mike Gamble, les producteurs d'Anthem chez Bioware, répondent pas l'affirmative en se fondant sur le modèle de Netflix et la diversité de son offre.

Anthem Hero

On l'a noté, Anthem fera l'objet d'une démo jouable à partir du 1er février prochain en attendant une sortie commerciale prévue le 22 février -- mais les abonnés EA Origin Access Premier pourront bénéficier d'un accès anticipé dès le 15 février.
L'abonnement n'est pas un modèle économique anodin dans l'industrie du jeu, tant pour les éditeurs que pour les joueurs -- l'abonnement peut être plus ou moins avantageux selon les modalités de l'offre, et contribue plus ou moins à maintenir les joueurs captifs. Dans les colonnes de USGamer, Mark Darrah et Mike Gamble (qui assurent l'un et l'autre la production d'Anthem, accessibles donc prioritairement aux abonnés d'EA) sont interrogés sur l'attrait des plateformes à abonnement telles que les EA Access / Origin Access d'Electronic Arts. Et en tant que concepteur de jeux, Mark Darrah indique « apprécier l'idée de l'abonnement », en ce sens qu'il y voit un moyen de lutter contre les risques d'homogénéisation de l'industrie du jeu AAA.

Il précise son propos : « prenez Netflix, nous connaissons actuellement l'âge d'or de la télévision grâce à des plateformes à abonnement comme Netflix, HBO ou Amazon. Leur modèle leur permet d'expérimenter davantage, de tester davantage de formats. Dans l'industrie AAA, nous sommes réticents au risque et les jeux sont peu ou prou tous similaires -- ils ont les mêmes mécanismes, des budgets, des attentes et des objectifs similaires. Et je crois que le monde de l'abonnement ouvre de nouvelles possibilités, comme le fait de produire des jeux qui n'ont pas vocation à être tous joués par plus de 300 000 personnes et sont conçus et budgétés en ce sens ».
Mike Gamble poursuit : « sur Netflix, vous avez House of Cards, mais vous avez aussi accès à des comédies, des documentaires, etc. Ce n'est pas seulement une question de genre, l'envergure (c'est-à-dire le budget) est aussi différente. Et en tant qu'abonné à Netflix, vous avez de facto accès à tout ceci, vous pouvez faire vos choix et des découvertes, et vous dire "je savais que c'était plutôt cool, j'ai apprécié, et je n'y ai de toute façon consacré qu'une heure, donc tout va bien". Vous n'avez pas besoin d'être super investi. » On s'abonne pour un type de contenus précis, mais on en découvre aussi beaucoup d'autres qui peuvent s'avérer séduisants.
Mark Darrah : « ce qu'on constate dans le milieu de la télévision a permis de lutter contre l'homogénéisation des programmes. Il y a davantage de programmes différents qui sont produits. Et ce que je redoute dans le milieu du jeu, et plus spécifiquement des jeux AAA, est précisément un risque d'homogénéisation -- des jeux de plus en plus similaires les uns aux autres. Nous ne visons pas forcément tous les mêmes joueurs, mais il y a toujours une forme de convergence -- un public avec des comportements et styles de jeu semblables. Et j'ai l'espoir que les plateformes à abonnement commencent à encourager une « déhomogénéisation », à cibler des publics différents. Des genres qui n'existent pas encore pourraient émerger et trouver une niche. Et ces niches n'auraient pas besoin d'être imposantes, parce qu'elles s'inscriraient dans ces plateformes à abonnement. »

Si le jeu indépendant permet déjà à l'industrie du jeu d'innover, voire de prendre davantage de risque, on comprend des propos de Mark Darrah qu'un phénomène similaire pourrait émerger aussi dans l'industrie du jeu AAA, à gros budget.
Pour autant, on connait bien également les travers de l'abonnement : la captation des abonnés (des joueurs) contribue mécaniquement aussi à l'émergence de monopoles naturels. Quand une plateforme est attractive, elle attire une majorité d'abonnés, qui renforce les moyens et donc potentiellement le développement de la plateforme, contribuant à la rendre encore plus attractive et donc à attirer toujours plus d'abonnés, forcément au détriment de ces concurrents, jusqu'à l'émergence d'une situation monopolistique ou presque et donc à moins de diversité.
Et à l'heure où l'abonnement (pour la télévision, la musique, ou donc le jeu, entre autres) est manifestement de nouveau dans l'air du temps, on sera sans doute curieux de découvrir les grandes orientations à venir de l'industrie du jeu -- l'émergence de nouveaux jeux très novateurs qui contribueront à renouveler l'industrie du jeu AAA ou au contraire de monopoles incontournables limitant les choix des joueurs...

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