Faire partie des favoris à The International

A une semaine du plus grand tournoi Dota 2 de l'année, peut-on tirer des leçons des sept éditions précédentes de cette prestigieuse compétition ?

Avant chaque édition de The International, au fur et à mesure que l'identité des différents compétiteurs se dévoile, il est possible de classer les équipes en quelques grandes catégories : les favoris pour les premières places, que peu imaginent en-dehors d'un top 4, les favoris pour les dernières places, que personne ou presque ne voit aller au-delà des tout premiers tours du Lower Bracket, les outsiders sur lesquels on peut miser, ceux qui n'inspirent pas confiance mais sait-on jamais.

Le déroulement du tournoi vient parfois conforter ces étiquettes et, dans certains cas, tout chambouler. De plus, cette compétition s'étire sur deux semaines environ (sauf dans le cas d'éditions écourtées pour des raisons diverses) et laisse le champ libre à des retournements de situation : les favoris d'avant tournoi ne sont plus forcément ceux qui émergent après les phases de groupe, qui eux-mêmes chutent parfois lourdement pendant le Main Event...

The International est-il un tournoi illisible ? Dans quelle mesure est-ce une bonne idée de croire dans les favoris pré-tournoi ? Replongeons-nous brièvement dans les années précédentes afin de voir si l'on peut distinguer des lignes de force.

 

The International 2011

Le tout premier International est un tournoi compliqué à appréhender : la plupart des équipes qui y participent ne jouaient pas à l'époque à Dota 2, mais à DotA. L'e-sport DotA, moins développé que ne l'est aujourd'hui l'e-sport Dota 2, se caractérisait par une coupure importante entre les régions, avec très peu de tournois globaux.

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Dans ce contexte, les favoris que l'on peut discerner avant l'ouverture à la GamesCom de Cologne sont certainement les équipes chinoises. En effet, la scène chinoise est déjà plus professionnalisée et plus structurée que les autres et l'on attend beaucoup de ses représentants, au premier chef EHOME (DK, qui aurait été la grande favorite, n'avait pas accepté l'invitation à TI). Du côté occidental du globe, ce sont les Danois de MYM et les Ukrainiens de Natus Vincere qui sont vus comme ayant les plus grandes chances : cette équipe s'est entraînée sur Dota 2 plus longtemps que les autres.

La suite du tournoi confirme largement ces statuts de favoris : EHOME et Natus Vincere dominent leur groupe respectif, MYM sort première du sien tandis que quatre des cinq équipes chinoises accèdent à l'Upper Bracket. Nirvana.int, la bonne surprise du groupe B, ne progresse en revanche guère dans les Playoffs.

Le top 4 contient trois équipes attendues : Natus Vincere, MYM et EHOME. Une équipe venue de Singapour a toutefois fait office de trouble-fête, Scythe Gaming. Elle a battu EHOME en Upper Bracket et accède de ce fait à la troisième place. En dehors de EHOME, les équipes chinoises n'ont pas fait un bon parcours dans les Playoffs.

Natus Vinctere, champions du monde 2011

  1. Natus Vincere (Ukraine)
  2. EHOME (Chine)
  3. Scythe Gaming (Singapour)
  4. Meet Your Makers (Danemark)

 

The International 2012

Les favoris d'avant-tournoi ressemblent étrangement à ceux de l'année précédente : Natus Vincere, qui a dominé les tournois occidentaux tout au long de la saison, et plusieurs équipes chinoises, en particulier DK, Invictus Gaming et LGD. Le début du tournoi montre une supériorité écrasante des équipes chinoises : iG et plus encore LGD (avec un beau 14-0) dominent chacune leur groupe, DK se place légèrement en retrait. En revanche Na`Vi déçoit avec une entrée ratée dans le tournoi.

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En définitive, ce tournoi voit un effondrement quasi-complet de l'Occident : dans le top 8, on trouve cinq équipes chinoises, deux équipes venues du reste de l'Asie et... Na`Vi, qui a su se reprendre après son mauvais départ et qui a dominé l'Upper Bracket. LGD, dominante si longtemps, s'effondre sur la fin, tandis qu'iG écrase en Lower Bracket EHOME, DK puis LGD avant d'emporter le trophée.

Au-delà de l'histoire de Na`Vi contre la Chine, il faut reconnaître que les résultats sont assez cohérents avec ce que l'on pouvait anticiper avant TI2 : les favoris constituent le top 4, les équipes occidentales ont fait pâle figure.

Invictus Gaming, champions du monde 2012

  1. Invictus Gaming (Chine)
  2. Natus Vincere (Ukraine)
  3. LGD (Chine)
  4. DK (Chine)

 

The International 2013

Il n'y a pas de doutes sur l'identité des deux grands favoris de TI3 : Natus Vincere, une fois encore, et surtout Alliance, l'équipe suédoise qui a émergé très fort au cours de la saison. Ces deux équipes ont accumulé les trophées, y compris en Chine, pendant toute l'année. Derrière elles, plusieurs équipes chinoises se placent en embuscade : iG, LGD et DK.


La phase de groupe confirme
le statut de favoris d'Alliance (qui égale le score de LGD l'année précédente) et de Na`Vi. Parmi les équipes chinoises attendues, seule DK sort en revanche son épingle du jeu. L'identité des deux finalistes (et des vainqueurs) coule de source : ces deux équipes ont été les plus fortes avant et pendant la compétition, de bout en bout, et Alliance a surclassé Na`Vi en finale de l'Upper Bracket comme en grande finale (qui a été la finale la plus tendue de l'histoire de TI, toutefois, avec cinq manches dont plusieurs épiques).

Il y a cependant des surprises : aucune des trois équipes chinoises identifiées comme les plus fortes n'accède au top 4. Elles sont détrônées par deux autres concurrents qui avaient réalisé un départ honorable mais pas extraordinaire, TongFu (Chine) et Orange Esports (Malaisie), qui offre une très belle finale du Lower Bracket contre Na`Vi.

Alliance, vainqueurs de The International 2013, avec l'Aegis of the Champions

  1. Alliance (Suède)
  2. Natus Vincere (Ukraine)
  3. Orange Esports (Malaisie)
  4. TongFu (Chine)

 

The International 2014

Cette année-là, les grands favoris viennent de Chine : DK aligne une équipe all-stars qui a dominé la scène mondiale pendant la plus grande partie de la saison (avec un essoufflement à partir du mois de mai, au profit notamment de Newbee) et Invictus Gaming remporte l'ESL One Francfort dix jours avant TI4. En Occident, Evil Geniuses (USA) fait figure de concurrent très sérieux au titre, tandis que la place de finaliste obtenue par Alliance à Francfort fait naître des espoirs.


Les phases initiales
de TI4, particulières compte tenu d'un planning serré pour le Main Event, sont dès lors surprenantes. C'est bien une équipe chinoise qui finit en tête, mais il s'agit de Vici Gaming, qui n'a pas brillé pendant la saison. EG, DK et iG suivent. Newbee fait un mauvais départ mais se rattrape ensuite : l'équipe accède à l'Upper Bracket. Alliance, de son côté, s'effondre.

Le Main Event débute avec la victoire de Newbee (7-8 dans le round Robin) face à VG (12-3). Newbee domine ensuite l'ensemble de la compétition. DK comme EG s'inclinent en Lower Bracket face à VG. On retrouve donc seulement deux équipes parmi les quatre plus attendues dans le top 4, et aucune d'entre elles en finale. Les équipes montantes de la scène chinoise avaient clairement été sous-estimées.

Dota 2

  1. Newbee (Chine)
  2. Vici Gaming (Chine)
  3. Evil Geniuses (Etats-Unis)
  4. DK (Chine)

 

The International 2015

L'année suivante voit une grande nouveauté : pour la première fois, le vainqueur de l'édition précédente n'est pas vu comme un favori - à raison, puisque Newbee échoue dans le top 16. Les trois équipes favorites sont celles qui ont accumulé les bons résultats toute l'année : EG (USA), Vici Gaming (Chine) et l'équipe fondée après TI4 par Puppey, Team Secret.


La première phase du tournoi chamboule quelque peu les prévisions. Certes, Team Secret et EG se classent très bien, mais LGD (qui s'était réveillée au printemps) devance Team Secret dans le groupe A tandis que CDEC, équipe chinoise issue du Wildcard Tournament, fait égalité avec EG dans le groupe B. VG, de son côté, fait à peine mieux que Newbee et passe en Lower Bracket.

Les Playoffs sont marqués par la trajectoire de CDEC, qui bat LGD et EG 2 à 0. De son côté, Team Secret s'effondre sur un maigre top 8. VG remonte jusqu'au top 4, dans lequel LGD s'implante solidement. En définitive, seule la présence de CDEC dans le top 4 ne pouvait vraiment pas être anticipée, et un seul favori a chuté en 2015.

  1. Evil Geniuses (Etats-Unis)
  2. CDEC (Chine)
  3. LGD (Chine)
  4. Vici Gaming (Chine)

 

The International 2016

Au printemps 2016, trois équipes dominent les compétitions majeures : Team Liquid, OG et Newbee sont logiquement favorites du tournoi. Pourtant les premiers jours sont difficiles pour deux d'entre elles : seule OG réalise une bonne première phase, en terminant en tête du groupe A. Dans le groupe B, les deux équipes de tête ne sont pas les plus évidentes : EHOME, venue du Wildcard Tournament et Digital Chaos, qualifiée numéro 2 pour l'Amérique.


La suite du tournoi voit la poursuite des surprises : les favoris OG et Newbee perdent au premier tour de l'Upper Bracket et sont éliminées dans la foulée, EHOME sort également assez vite. Digital Chaos est la seule équipe, sur tout le tournoi, qui a réussi à survivre à la chute en Lower Bracket ; elle remonte jusqu'en finale en croisant sur sa route des équipes que l'on voyait difficilement aller jusque-là (Fnatic top 4 et EG top 3).

Emerge de ce tournoi particulièrement chaotique un vainqueur étonnant : l'équipe chinoise Wings Gaming, dont les membres jouent tous leur premier TI, et qui est pourtant le vainqueur évident du tournoi dès le début des Playoffs, tant sa supériorité sur les autres est écrasante. C'est la première (la seule ?) fois que rien ne s'est passé comme prévu, qu'aucun des grands favoris n'accède au top 4 - Team Liquid se hisse à grand peine dans le top 8 - tandis que des équipes qui semblaient loin derrière avant l'ouverture de TI6 trustent les premières places.

  1. Wings Gaming (Chine)
  2. Digital Chaos (Amérique du Nord)
  3. Evil Geniuses (Etats-Unis)
  4. Fnatic (Malaisie)

 

The International 2017

Pour la première fois, les vainqueurs de l'année précédente ne sont pas présents pour défendre leur titre. Les favoris de 2017 sont les mêmes qu'en 2016, en dépit de changements mesurés dans les line-ups : OG et ses victoires dans les deux Majors, Liquid et sa victoire à l'EPICENTER, Newbee et ses innombrables finales toute l'année. Derrière, trois équipes aiguisent leurs armes, fortes de résultats récents très prometteurs - Virtus Pro (Russie) et les deux équipes chinoises soeurs, LGD et LFY après la MDL 2017.


De ces six équipes, seule OG fait un mauvais début et échoue en Lower Bracket - c'est EG qui prend, en quelque sorte, "sa" place. Les autres sont en tête des groupes ; LFY prend cependant un départ fulgurant en s'imposant devant Newbee dans le groupe B.

Les Playoffs débutent sur un coup de théâtre : Team Liquid descend en Lower Bracket face à iG, obligeant l'équipe européenne à une longue (et parfois difficile) remontée pour parvenir en finale. De l'autre côté, Newbee domine outrageusement le Winner Bracket. A la fin du tournoi, on retrouve dans le top 6 presque toutes les équipes qui ont dominé les groupes ; EG, seule, échoue dans le top 12. Le seul favori qui n'a pas vraiment réussi sa compétition est OG, cantonnée au top 8.


  1. Team Liquid (Europe)
  2. Newbee (Chine)
  3. LGD.FY (Chine)
  4. LGD (Chine)

 

Quels enseignements en tirer ?

Le statut de favori dans un tournoi peut être compliqué à assumer : un favori est étudié par tous ses adversaires, il est soumis à la pression en n'ayant pas le droit de perdre. Cependant, force est de constater que, dans l'ensemble, les équipes favorites avant The International réalisent, la plupart du temps, un très bon tournoi. Il n'y a guère qu'en 2014 et surtout en 2016 que ce ne sont pas des favoris de la première heure qui ont remporté l'Aegis - et dans ces deux cas, pour des raisons évidentes a posteriori, le gagnant était assez logique.

Cela ne signifie pas pour autant que les favoris ne peuvent pas se faire bousculer. Depuis 2013, il y a toujours au moins un grand favori qui s'effondre au cours du tournoi, le mental jouant un rôle crucial. 2016 est évidemment une année exceptionnelle en la matière (un véritable jeu de massacre, avec la disparition de Newbee, OG puis Team Liquid), mais les déboires de Team Secret en 2015 ou d'OG en 2017 rappellent que rien n'est assuré.

Cela libère un espace dans lequel peuvent s'engouffrer des outsiders. Depuis 2013, il y a presque toujours un destin fulgurant au cours de The International : Orange à TI3, Vici Gaming à TI4, CDEC à TI5, Digital Chaos à TI6 (et, dans une moindre mesure, Wings Gaming, identifiée comme une équipe très forte au printemps 2016. The International 2017 a opéré une sorte de retour à la normale, puisque l'équipe dont la performance positive est la plus surprenante est Team Empire, qui n'a guère fini que dans le top 8.

 

En somme, parier sur les favoris reste une valeur sûre : un cataclysme de type TI6 ne se reproduira probablement pas. Même avec un mauvais départ, les favoris se rattrapent souvent lors des Playoffs, grâce à leur expérience plus importante des LANs à fort enjeu, qui fait souvent la différence. Le tout est ensuite de savoir qui, parmi la masse des équipes non-favorites, pourra se détacher du lot. Ce ne sont pas forcément les outsiders qui ont fait une belle phase de groupe - certaines s'épuisent rapidement, comme EHOME en 2016.

Mais alors, sur qui parier en 2018... ?


Cette actualité provient de notre univers Dota 2.

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