Les équipes de TI8 : Fnatic
Le plus grand rendez-vous annuel Dota 2 aura lieu cette année en août à Vancouver : les dix-huit équipes de The International 2018 sont présentées dans nos colonnes.
Deux équipes de la zone SEA (Asie du Sud-Est) avaient l'opportunité de se qualifier pour The International, en l'absence de Mineski invitée directement pour ses bons résultats au cours de la saison. Sans flancher, la line-up internationale de Fnatic a répondu présent et a décroché la première place : avec l'aide de Llewela et YouYou, cet article présente une équipe toujours surprenante.
Vous pouvez également retrouver tous les articles précédents :
- Team Liquid, les vainqueurs de 2017 (écrit par Llewela ; invités : Kaoru et Ze_HailD)
- Virtus Pro, favoris trop tôt ? (invités : Profchen et YouYou)
- PSG.LGD, le nouveau rêve chinois (invités : Xavyeahz et Profchen)
- Team Secret, enfin la bonne année ? (écrit par Guiguioh ; invités v0ja et Namax)
- Mineski, entre originalité et inconstance (invités : Llewela et v0ja)
- Newbee, ombre d'elle-même (invités : Ze_HailD et Shiba)
- Vici Gaming, une EG à la chinoise ? (invités : El Ap0c et Hugo)
- VGJ.Thunder, invités par défaut (invités : YouYou et Shiba)
- VGJ.Storm, les Digital Chaos de 2018 ? (invités : YouYou et Hugo)
- Winstrike Team, les nouveaux CIS Rejects (invités Namax et Profchen)
Une équipe reformée
La structure européenne Fnatic s'est implantée depuis juin 2015 en Malaisie, concernant Dota 2. Bâtie autour de Mushi et Ohaiyo, cette équipe à atteint chaque International depuis, mais n'y a réalisé un bon run qu'en 2016 (top 4). La saison précédente a été mouvementée, avec de nombreux départs (dont celui de Mushi) et autant d'arrivées. La line-up philippino-malaisienne-coréenne n'a pas du tout fonctionné à TI7 : avec le plus faible score du groupe A (0 victoire, 2 matchs nuls, quatorze défaites), Fnatic sort avant les Playoffs, à la dix-septième place à peine.
Cet échec dramatique conduit à une réorganisation d'ampleur : trois joueurs quittent Fnatic, seuls DJ (le capitaine philippin) et Ohaiyo (offlaner malaisien et dernier rescapé des débuts) restent au sein de l'équipe. Pour combler les places restantes, trois joueurs occidentaux débarquent, dans un mouvement surprenant. Le Suédois pieliedie prend la place de capitaine, son compatriote Xcalibur (qui, à une époque lointaine, avait joué comme remplaçant d'Era chez... Fnatic, quand l'équipe était européenne) prend le mid tandis que le Canadien sur courant alternatif EternalEnvy devient carry.
Ce pari audacieux ne conduit pas à des résultats brillants, dans un premier temps. Fnatic échoue dans tous les premiers Qualifiers SEA, et pas seulement face à Mineski. Elle ne parvient à participer à des tournois du circuit pro qu'à la faveur des désistements ou des empêchements d'autres équipes... C'est le cas de l'ESL One Hambourg ou de l'AMD SAPPHIRE Dota Pit League. Dans les deux tournois, Fnatic finit top 8 sur huit équipes.
Face à une telle situation, des changements sont en général nécessaires. L'équipe prend le taureau par les cornes et remplace début novembre son mid par Abed, qui avait quitté Digital Chaos peu avant. Le coach ADTR cède lui aussi sa place à Adam, plus connu sous le pseudonyme 343, qui jouait chez Fnatic à l'époque de The International 2016.
La montée en puissance
Les conséquences se révèlent immédiatement très positives. A quelques jours d'intervalle, Fnatic se qualifie pour un Minor et un Major, en s'imposant dans les deux cas face à Mineski. Si la DreamLeague VIII est un nouvel échec, Fnatic réalise un bon tournoi dans le Dota Summit 8, ne perdant qu'en finale contre Virtus Pro.
A partir de là, l'horizon semble se dégager. L'équipe commence à remporter régulièrement les Qualifiers SEA (d'autant plus aisément que Mineski se trouve invitée à certains tournois majeurs, ce qui écarte le principal rival). C'est dans ce contexte positif que Fnatic opère en janvier 2018 son dernier changement de la saison, le plus étonnant sans doute : Ohaiyo, pilier de l'équipe de 2015, est éjecté pour laisser son poste à UNiVeRsE, lui-même dégagé d'EG quelques semaines plus tôt.
L'équipe à partir de janvier 2018 : Envy, Abed, DJ, Universe et pieliedie
Le Minor ESL One Genting qui suit de peu cette modification ne s'avère pas concluant mais, à la fin du mois de février, Fnatic se hisse à la quatrième place de l'ESL One Katowice en battant Team Secret. Le format de ce tournoi avait beau être douteux, ce gain de DPC, ajouté aux points qu'UNiVeRsE apportait avec lui, permet à Fnatic d'envisager un top 8 DPC d'ici la fin de la saison.
Le problème majeur, cependant, réside dans le faible nombre de Majors auxquels l'équipe parvient à se qualifier : elle n'obtient ni le DAC, ni l'EPICENTER XL, ni le MDL Changsha Major, ni le SuperMajor. Petit à petit, les portes se referment, en dépit de résultats très honorables dans les Minors. L'ESL One Birmingham fin mai est le tournoi de la dernière chance... qui se conclut là encore sur un top 4, après des défaites difficiles contre OpTic Gaming et paiN Gaming.
Palmarès de la saison
- DOTA Summit 8 : 2ème
- ESL One Katowice : 4ème
- DreamLeague saison 9 : 2ème
- SLi Invitational 5 : 3-4ème
- GESC Thaïlande : 3-4ème
- ESL One Birmingham : 4ème
- Total DPC : 1265 (12ème)
L'ESL One Birmingham sonne le glas pour Fnatic : le top 8 DPC ne peut être atteint et aucun autre tournoi n'est en vue. Qu'à cela ne tienne, il reste le Qualifier SEA, doté de deux places. Dans le round Robin, Fnatic ne brille pas mais tient son rang : 4-3, ce qui vaut la troisième place, donc un ticket pour les Playoffs. L'équipe concède le match aux deux TnC mais aussi aux Sterling Global Dragons, l'équipe la plus faible du Qualifier.
En revanche les Playoffs sont une toute autre affaire : en quatre manches victorieuses, Fnatic bat les deux squads TnC sans leur laisser marquer un point. Le chemin n'est pas simple, Fnatic doit faire face à des parties très longues, peut-être par peur du throw qui peut briser un rêve. Au terme du Bo3 face à TnC Predator, Fnatic devient la première équipe qualifiée pour la région.
Comment peut-on résumer le jeu de Fnatic ? Llewela, qui n'admire pas seulement Kuroky et Matumbaman mais aussi EE-sama, explique les tenants et les aboutissants d'une équipe qui, par bien des aspects, est hors-normes :
En trois mots, comment définirais-tu le jeu de Fnatic ?
fEEd, grEEd et wEEn.Quel est leur principal point fort ?
J'en vois trois : le recrutement de Universe, le coaching de Aui_2000 et la folie d'EternalEnvy.Et leur principal point faible ?
EE est devenu l'agneau sacrificiel de l'équipe, ce qui fait reposer trop de pression sur Abed.Dans quelle phase de jeu sont-ils les plus forts ?
Le mid / late.Si tu devais citer trois héros emblématiques ?
Le Morphling d'EternalEnvy (Never go full agi...), l'Enigma d'Universe et la Windranger de DJ.Qui est le joueur clef de la line-up ?
EternalEnvy. On peut l'aimer ou le détester avec ses shenanigans et toutes les histoires qui le concernent, mais il faut reconnaître qu'il a su se transformer en carry sacrificiel, ce qui permet à ses autres cores de briller.Pourquoi Fnatic n'a pas réussi à remporter un seul tournoi sur la saison ?
Ils n'ont pas eu de titre mais ont toujours été dans le top 5 des tournois auxquels ils ont participé depuis l'arrivée d'Universe. Ils se cherchent encore.Remporter TI8, c'est...
Utopique.
Les joueurs
EternaLEnVy
EternalEnvy, dit aussi Eternal Envy, EE-sama ou autres surnoms moins flatteurs, est une figure de la scène compétitive Dota 2 internationale, un personnage très particulier. Au-delà de sa personnalité haute en couleurs, Envy a derrière lui une longue carrière dans l'e-sport, entamée sur HoN, poursuivie sur Dota et sur SC2. Il était l'un des fondateurs de No Tidehunter (future Alliance) avant de se faire éjecter. Il a ensuite dirigé pendant longtemps l'équipe Kaipi / SpeedGaming / Cloud 9. Après un TI5 décevant, il rejoint Team Secret qu'il quitte avec pertes et fracas un an plus tard. Il fonde alors la Team NP, qui passe sous la bannière Cloud 9 un mois avant TI7 et à peine plus avant sa dissolution. Il rejoint Fnatic dans le reshuffle post-TI.
EternaLEnVy est une personnalité clivante, que l'on aime ou non ; c'est aussi un joueur souvent décrié. Quoique l'on pense de l'homme, il faut lui reconnaître une capacité à lancer des projets impressionnante : il est à l'origine d'équipes qu'il a menées loin, même si le succès n'a pas souvent été au rendez-vous à The International. Il se retrouve aussi régulièrement au centre de polémiques (ou dramas), que ce soit pour ses méthodes discutables de gestion d'équipe (les fameux kicks de support) ou pour les problèmes rencontrés chez Team Secret à l'époque.
- The International 2014 : Cloud 9, 5-6ème
- The International 2015 : Cloud 9, 9-12ème
- The International 2016 : Team Secret, 13-16ème
- The international 2017 : Cloud 9, 13-16ème
Chez Fnatic, Envy joue essentiellement carry, théoriquement en position 1. C'est un poste qu'il connaît bien, même si on le voyait davantage au mid lors des deux saisons précédentes. Cependant son rôle a évolué depuis que l'équipe a intégré Abed et surtout UNiVeRsE, qui ont tendance à prendre beaucoup de place. Il est de fait moins qu'avant amené à prendre des héros de lategame et se montre plus actif en milieu de partie.
A surveiller : Monkey King, Morphling
Abed
Star montante de la scène SEA au cours des dernières années, Abed fait désormais partie du paysage. Ce jeune joueur philippin a entamé la compétition en 2015 et s'est fait connaître en 2016 chez Execration, alors qu'il n'avait que quinze ans. Il a échoué de peu à participer à TI6 (à une défaite dans le Wildcard Tournament) mais avait alors marqué les esprits. En janvier 2017, il a rejoint une équipe nord-américaine, Team Onyx, qui a joué TI7 sous le tag Digital Chaos. Il quitte cette équipe en octobre 2017 pour repartir jouer en Asie, chez Fnatic.
- The International 2017 : Digital Chaos, 9-12ème
Comme beaucoup de très jeunes prodiges, Abed est un midlaner. Il est réputé en particulier pour son Meepo qui a longtemps été un first ban quasi automatique contre lui (puisque le héros est considéré comme nul en ce moment, ce n'est plus le cas). Son style de jeu est très explosif, il prend l'avantage le plus vite possible et capitalise dessus en tuant, tuant et tuant encore. Ce n'est pas forcément ce qui marche le mieux sur les héros forts dans la méta actuelle, mais il faut noter des efforts pour élargir son panel de héros ces derniers mois.
A surveiller : Meepo, Visage
UNiVeRsE
Cet Etatsunien est l'un des plus anciens joueurs de la scène compétitive en activité. Il a fait ses débuts sur DotA et a participé à presque tous les Internationaux (en 2011, il ne jouait pas même s'il faisait partie d'une équipe en lice), quasiment tous sous la même bannière : Evil Geniuses. Avec Fear, il a été un pilier de cette structure durant des années. Il a connu les moments de misère et la grande époque d'EG, il a soulevé l'Aegis en 2015. Il n'a quitté Evil Geniuses qu'à trois reprises : entre TI2 et TI3, quelques mois en 2016 (pour y revenir juste avant TI6) et en décembre 2017. Les résultats d'EG piétinaient, l'équipe ne fonctionnait guère, il a été éjecté. Il a rejoint Fnatic un mois plus tard, à la surprise générale, prenant la place d'Ohaiyo.
- The International 2012 : Evil Geniuses, 9-12ème
- The International 2013 : Team Dignitas, 9-12ème
- The International 2014 : Evil Geniuses, 3ème
- The International 2015 : Evil Geniuses, 1er
- The International 2016 : Evil Geniuses, 3ème
- The International 2017 : Evil Geniuses, 9-12ème
Offlaner encore et toujours, Universe a toujours été spécialisé dans les initiateurs à fort potentiel de teamfight. Il s'adapte évidemment en fonction des besoins et des forces ; ainsi, actuellement, il a davantage de gros tas utilitaires entre les pattes que des initiateurs purs. Son Dark Seer est réputé pour être l'un des meilleurs, sinon le meilleur au monde, et le héros revient en force dernièrement. Il est une valeur sûre, un joueur en général solide sur lequel on peut compter pour rattraper les bourdes de ses coéquipiers.
A surveiller : Enigma, Faceless Void
DJ
Ce joueur philippin a fait ses débuts fin 2013, pour jouer notamment dans les compétitions lancées par Nexon en Corée. Il faisait partie de la première équipe pinoy à remporter des succès sur la scène international, Rave, à l'époque du DAC 2015. Il est recruté une première fois par Fnatic après TI5 et y passe toute la saison. Il a basculé chez Execration après TI6, mais la greffe n'a pas pris et il est revenu chez Fnatic quelques mois avant TI7. Depuis l'éviction d'Ohaiyo, il est le plus ancien membre de la structure.
- The International 2016 : Fnatic, 4ème
- The International 2017 : Fnatic, 17-18ème
Depuis qu'il est chez Fnatic, DJ occupe le poste de support, en alternant entre position 4 et position 5 selon les binômes. Il est revenu position 4 dans le duo avec pieliedie, sans que ce soit une constante absolue, mais ne prend guère les roamers qui avaient fait sa réputation. Il est en général en dual lane, le plus souvent avec Universe dans des duos agressifs - il joue énormément de Sand King et de Tusk dernièrement.
A surveiller : Windranger, Io
pieliedie
Si Universe est un ancien de la scène, pieliedie est un Grand Ancien, sorte de Nyarlathotep du DotA : sa première équipe remonte à 2007 ! Après quelques années d'arrêt, il se met à Dota 2 en 2012 et alterne quelques temps entre des équipes européennes et nord-américaines. Sa route croise celle d'un rookie, EternaLEnVy, en 2013 chez Kaipi, et il a été pendant deux ans un fidèle compagnon de route d'EE chez SpeedGaming puis Cloud 9. Viré en janvier 2015 en même temps qu'Aui_2000, pieliedie passe le reste de la saison à chercher à retomber sur ses pattes, sans grand succès. Après TI5, il intègre la Team Secret où il retrouve Envy. Il rejoint ce dernier en mai 2017 chez Team NP après avoir été remplacé par YapzOr, et le suit en Malaisie chez Fnatic.
- The International 2014 : Cloud9, 5-6ème
- The International 2015 : Team Secret, 13-16ème
- The International 2017 : Cloud 9, 13-16ème
Capitaine de l'équipe (même si EternaLEnVy gère beaucoup de choses), pieliedie est aussi le support position 5 - des inversions restent cependant possibles d'une partie à l'autre. Il joue dernièrement des héros forts sur la phase de ligne, capables de soutenir au maximum son carry, et qui disposent d'une grosse capacité de teamfight par la suite comme Warlock, Undying ou Disruptor. On ne l'a pas vu sur son Io emblématique depuis près d'un an, c'est désormais DJ qui s'en charge.
A surveiller : Crystal Maiden, Nature's Prophet
Conclusion
Fnatic est une équipe détonante et étonnante dans le paysage actuel. Alliage de joueurs issus de régions différentes, mélange de vieux routiers et de révélations plus récentes, elle est difficile à cerner. Au-delà des déboires et des changements de roster intervenus depuis le mois d'août 2017, elle a su trouver le chemin vers The International 2018 et obtenir quelques résultats dans le circuit pro.
Toute la question est de savoir si cette équipe réussira à se surpasser, à vaincre ses démons et à exploiter en totalité le talent de ses membres, car talent il y a indéniablement. Le commentateur de la FroggedTV YouYou partage avec nous son avis sur ce que peut faire Fnatic cette année à The International :
C'est très difficile de pronostiquer un résultat pour cette équipe. C'est une équipe très inconstante dans ses résultats. Individuellement, les joueurs sont bons : sur le papier, elle devrait fonctionner, et pourtant elle a rencontré de nombreuses difficultés malgré tout ce qu'elle a tenté. Dans l'ensemble, elle n'a pas vendu du rêve sur la saison.
Il y a une tension interne car l'équipe est tiraillée entre deux pôles opposés : des éléments qui peuvent choke à TI, qui sont hyper instables sous la pression comme Envy, et d'autres au contraire très solides comme Universe. Le retour d'Aui en coach est sans doute une très bonne nouvelle, car il pourra les lier dans une tactique solide.
Je ne crois pas qu'ils puissent gagner TI8, et je serais étonné qu'ils arrivent dans le top 8. Mais Fnatic sera probablement peu étudiée et avec Jacky Mao, tout est possible...
Réactions (493)
Afficher sur le forumPas de compte JeuxOnLine ?
Créer un compte