Alors que Cologne et sa Lanxess Arena devient au fil des ans la capitale de CSGO pour ESL, Francfort se transforme pour sa part en son penchant pour Dota. Nul besoin de présenter le titre de Valve, il est ici question de traiter l'évènement et les pérégrinations d’un groupe de potes façon carnet de voyage.

Notre petite troupe - que l’on nommera pour des raisons évidentes de chauvinisme et de gastronomie la “Team Saucisson”, composée de Maeva, Laurent, Samuel et moi-même - est habituée de ce genre de regroupements et rien ne saurait mettre à mal sa motivation, ni la météo, ni un logement de fortune ou encore les aléas d’une organisation pas franchement au niveau.

Qui sommes-nous, en quelques mots ? Je m’appelle Pauline, aka Nahy, joueuse de DotA, au MMR descendant, depuis Mai 2012. Nous venons des quatre coins de la France;  pour certains d’entre nous, c'est la deuxième année où nous montons chez nos voisins allemands.

Vendredi 17 Juin

Départ en voiture avec mes compagnons d’infortune sous une pluie battante, direction la patrie de David Hasselhoff.

Début de soirée, nous voilà arrivés devant notre logement. Digne d’une escape room, il faut s’armer d’un doigté à toute épreuve : un énorme cadenas noir est accroché à la poignée de la porte. Des instructions nous ont été laissées par mail pour pouvoir accéder à notre antre. C’est que la bête ne se laisse guère apprivoiser ! Après moult tentatives et telle une bande de Meepo travaillant de consort, nous ressortons vainqueurs de cette bataille. A peine le temps de déposer nos besaces que nous partons pour le Sam’s Bar, arrêt indispensable pour récupérer les précieux sésames donnant accès au stade.

Nul doute sur le lieu : nous sommes à peine à quelques encablures du troquet que la population locale dénote du reste des autochtones. Ce que la presse généraliste traduirait comme un groupe de “geeks” écrase définitivement la concurrence composée de footeux aux couleurs de la Mannschaft. En autant de temps qu’il en faut pour prendre une bottom lane contre une bande de lamers, la Team Sauciflard récupère ses passes et recharge ses batteries avec une mousse.

La mine grisée par la fatigue et l’œil vitreux, la bande décide d’un dernier arrêt à une fameuse taverne découverte en novembre dernier, pour le Major Frankfurt. Quelques Wursts dans la panse et il est déjà temps d’aller ronquer, la journée suivante sera longue.

 

Samedi 18 Juin, 8h30 (mais j’avance un peu)

Le canapé d’un mètre vingt n’a pas eu raison de ma fatigue. Des cernes jusqu’au milieu de la figure, je m’en vais de ce pas quérir un énergisant pour lequel la barrière de la langue n’est pas un problème : un “kaffee”. Deux heures plus tard, nous franchissons enfin les portiques de sécurité pour entrer dans la Commerzbank-Arena, un joli nom qui fait toujours plaisir aux orthophonistes. Victory !

Par rapport à l’ESL One 2015, une réorganisation totale de l’espace scénique et spectateur a été entreprise. La promesse d’un écran géant de 550 m² (le plus grand jamais utilisé pour un event DotA) a disparu aussi vite qu’une rune en début de game, quand nous nous sommes aperçus que 20% de la surface est utilisée pour la mise en avant des partenaires de l’évènement.

Les gradins sont vides et un emplacement ‘infield’ a été mis en place. Pas sûre que ce changement soit salvateur. Les sièges étant tous au même niveau, même si vous êtes un peu grand comme moi, il suffit qu’une personne d’1m70 se pose devant vous et l’écran est totalement éclipsé.

L'espace spectateur, ESL One Francfort 2016

Qui dit tournoi, dit organisation à toute épreuve. Une partie de la team va faire un sitting agressif pour occuper les places, tandis que je m’occupe du Secret Shop pour parfaire notre rituel : ouvrir des plushies (petites boites contenant des peluches de personnages DotA) à chaque début de match, l’occasion d’échanger des doublons sans (trop) briser d’amitiés.

Le Shop se trouve dans un espace dédié à l’univers étendu du titre et au mercantilisme : une zone pour tester le HTC Vive, un ring pour se tataner dans le bonne humeur, quelques PC pour faire tomber un peu plus son MMR ainsi qu’un espace dédié aux artistes : des créateurs d’artworks, de skins, etc... Autre curiosité, deux personnes confectionnent des sculptures avec des ballons, façon clowns de cirque. A peine le temps de m’ébahir devant leurs œuvres que je me retrouve avec un Witch Doctor sur l’épaule, qui m’aura accompagné toute la durée de l’évènement.

Petite déception comme l’année précédente : l’impossibilité d’accéder au desk des analystes. Bien entendu, il est interdit d’y pénétrer, mais lors de notre semaine au Major en Novembre, celui-ci était dos aux gradins, ce qui nous avait permis de faire quelques petites apparitions sur Twitch, grâce à nos dessins du plus bel effet.

Les pancartes de la Team Saucisson

Tristesse dans mon cœur, le tournoi se passera assis sur nos chaises, et non à courir entre deux matchs pour notre minute de gloire réglementaire. Autre distinction entre l’ESL et le Major, l’accès aux signatures et l’approche des joueurs de manière générale. Effectivement, très peu de casters ou de joueurs se baladent dans l’enceinte de l’Arena. VP et OG quant à eux aménagent leurs séances de dédicaces uniquement pour les plus nantis possédant un ticket premium. Bref, un esprit LAN qui s’éloigne au profit d’un spectacle pas franchement grandiloquent.

A notre plus grande joie, le toit du stade a été réparé et l’effet est plus que salvateur, la pluie ayant accompagnée une bonne partie notre séjour. Nous n’échapperons cependant pas au froid allemand et le plaid dans le fond du sac devient notre meilleur allié. Une technique de grand-mère certes, mais une grand-mère qui sait garder ses miches au chaud.

 

Me voilà donc prête pour avaler dix heures quasi non-stop de compétition. Entre deux matchs, on se presse tous vers les sanisettes et les food trucks pour refaire le plein de carburant. Une barquette de frites et une pinte de bière plus tard, nous revoilà partis. En réalité, il faut une fois de plus ruser et attendre le début des rencontres avant de se déplacer, histoire d’éviter de combattre un flot continu de ventres vides et de vessies pleines.

Lors de cette première journée, Team Liquid et les Na’Vi nous ont montré de belles performances, notamment chez Liquid où FATA était malade (remplacé pendant les phases de groupe par leur coach ‘Heen’). Nous avons également eu le droit à l’habituel Cosplay Contest et comme à l'accoutumée, de belles prestations nous ont été offertes, notamment par un Wraith King, un Necrophos, une Naga Siren et un Dragon Knight tous plus vrais que nature et qui prouvent une fois de plus qu’il y a des gens aussi talentueux que mauvais couturiers.

Le dernier match, Complexity vs Na’Vi, se termine sur une victoire de la team ukrainienne menée par Dendi. La nuit est tombée depuis longtemps, l’heure de rentrer vers notre terrier et de se remettre de ces émotions (et d’un début de lumbago).

 

Dimanche 19 juin

Coincée sur ce qu’on pourrait appeler une paillasse, gentiment troquée par un compagnon aussi candide que charitable ; je me réveille en pleine session de varappe. Petite douche et un “Kaffee” plus tard, nous voilà en route pour la gare.

Dimanche étant, nous attendons le train plus longtemps et nous n’arrivons qu’aux alentours de 10h30 à l’Arena. Pensant qu’il s’agissait d’une ouverture de Semifinals Vega vs Na’Vi, c’est d’un pas nonchalant que nous nous présentons à l’Arena, mais l’application des horaires de match ayant décidé de fonctionner à l’envers, nous trouvons finalement OG face à Team Liquid.

Le temps d’une pause au milieu de l’affrontement CIS et nous nous retrouvons à converser avec un jeune Italien, venu en Allemagne pour parfaire son anglais. Dans une ambiance digne d’un kamoulox, l’homme clairement éméché tente de nous raconter son aventure. Au-delà du bon fou rire, c’est aussi l’occasion de se rappeler que ce genre d'évènement permet de rencontrer des personnes venues de tous les horizons, prêtes à supporter des conditions difficiles pour vivre leur passion... aidées de quelques bières.

 

Qui dit finale dit entrée en bonne et due forme ; les deux équipes rentrent l’une à la suite de l’autre en traversant le panel de spectateurs comme des rockstars. Certains chanceux auront même le droit à quelques tapes dans les mains.

C’est parti pour un Bo5 de folie. OG est en pleine forme et il ne fait aucun doute que, même si Na’Vi a retrouvé un peu de sa gloire passée, ils sont à un niveau au-dessus avec un Miracle au top et un Crit- au Phoenix fabuleux. Le petit taunt de dernière game, voir Miracle jouer support, ce rôle enfin porté au sommet ce que j’appelle communément le ‘carry-supp’.

Le #DreamGreen est de nouveau atteint. Comme à l'accoutumée, un petit dispositif pyrotechnique accueille le vainqueur sur scène pour porter la Coupe devant une foule en liesse.

Il est l’heure pour nous de quitter l’Arena et de clore l’édition 2016 de l’ESL One Dota Frankfurt. Nous allons nous restaurer dans notre taverne habituelle avant de plier bagages, pour repartir demain en milieu de matinée la tête pleine de souvenirs.

Fumées et lumières célèbrent la victoire d'OG #DreamGreen

 

Pour finir...

L’ESL One est un festival qui doit en un week-end fidéliser les passionnés du genre. De plus en plus de fans et de curieux se pressent aux portes de l’Allemagne ; bien que la majorité soient des résidents, le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur chaque année. Un budget conséquent, un show constant tenu par le panel des casters et des hosts entre deux games, et des activités annexes, voilà les ingrédients pour faire de l’ESL une aire de jeu géante et surtout un festival aux couleurs de Dota.

Prenant bien entendu de l’ampleur au fil des années, on sent néanmoins une perte de vitesse au niveau humain entre le public et la scène professionnelle. Des évènements tels que les dédicaces ou l’opportunité de jouer contre n0tail pourront permettre aux gens de toucher du doigt leur rêve éphémère d’aborder de près ou de loin la scène esport, mais les quelques couacs de l’organisation et une ambiance clairement en-deçà du Major auront probablement raison des inconditionnels de la première heure.

Pour ma part, il est fort probable que je délaisse à l'avenir un week-end dans un stade à se geler les miches au mois de Juin, au profit d’un Festhalle plus accueillant en plein automne, le côté festif et bon enfant y étant définitivement bien plus présent.