Présentation des concurrents de TI6 : OG

D'ici cinq semaines débute The International 2016, le plus gros tournoi de l'année. Comme les années précédentes, une série d'articles en présente les protagonistes.

A tout seigneur, tout honneur : seules six équipes ont été invitées à The International cette année et, parmi ce petit groupe, OG ressort clairement de la tête et des épaules sur la fin de saison. Aussi ouvre-t-elle cette série de présentations.

Avertissement : en raison de l'indisponibilité durable de la base de données datdota.com, les statistiques présentées sont malheureusement pauvres. Ce problème se présentera probablement sur l'ensemble de ces articles introductifs.

 

De la création à la consécration

Un lecteur ne suivant que de très loin l'e-sport Dota 2, à l'occasion de The International seulement, pourrait être dérouté par cette équipe. En effet, cela sera son premier TI, pour une raison simple : elle n'a été formée qu'au début de la saison, à la fin de l'été 2015. Son noyau originel est un vieux duo, n0tail et Fly, qui jouent ensemble depuis l'époque de HoN, puis qui ont évolué ensemble sur Dota 2 au sein de Fnatic jusqu'en 2014, puis de Secret. Ils se sont séparés temporairement de l'hiver 2015 à la fin de TI5, pour se retrouver ensuite et former Monkey Business, renommée OG fin octobre.

Ils ont recruté un autre ancien de HoN, Moon, qui jouait chez Complexity la saison précédente, Cr1t-, un joueur qui n'avait pas vraiment réussi à percer jusque-là, et un joueur pubstar, Miracle-, qui n'avait aucune expérience de la compétition. Cette nouvelle équipe n'apparaissait pas comme la plus prometteuse au début de la saison (l'auteur de ces lignes avoue sans honte qu'il n'y croyait absolument pas à ce moment), y compris sur la scène européenne. Elle intriguait toutefois, ne serait-ce que par son nom inexpliqué - les initiales OG n'ont pas de sens particulier.

 

Il a fallu à cette line-up batailler dur pour faire ses preuves dans ses premiers mois d'existence. OG a énormément joué sur la scène européenne à l'automne, avec des résultats plutôt bons dès les débuts, mais OG affrontait alors peu les grands noms, perçus comme plus forts. Bref, la meilleure des équipes T2 européennes, voire occidentales, mais un cran derrière celles qui, auréolées de leurs résultats à TI5, accédaient aux tournois sur simple invitation.

Au Major de Francfort, OG a montré qu'il n'en était rien. Rentrée par les qualifications, l'équipe a bien failli sortir prématurément du tournoi, après une phase de groupe peu engageante marquée par deux matchs perdus face à Vega Squadron. Il a ensuite fallu remonter l'intégralité du Loser Bracket, jouant une ribambelle de matchs éliminatoires, pour parvenir à la finale. La montée en puissance spectaculaire de OG dans ce tournoi peut sembler rétrospectivement inexorable, mais à l'ouverture des Playoffs, rares étaient ceux qui croyaient encore en cette équipe. Et pourtant, OG a fini par remporter ce premier Major Dota 2, battant nettement Secret sur un score de 3 à 1, après avoir éliminé six autres équipes successivement !

Après la victoire au Major de Manille : de gauche à droite n0tail, Fly, (SirActionSlacks), Crit-, Miracle- et Moon

 

Coup de mou et renouveau

La victoire au Major de Francfort a clairement changé la donne pour cette équipe : les organisateurs de tournois se sont empressés de lancer des invitations pour faire venir des joueurs prestigieux. De ce fait, OG a été de moins en moins visible dans les tournois, en dehors de rares LANs. Tandis qu'en octobre elle avait disputé quarante-cinq parties, elle n'en a joué que vingt-six en décembre et à peine cinq en février 2016, le mois précédent le Major de Shanghai.

Le Major d'hiver n'a pas été vraiment faste, c'est le moins que l'on puisse dire. OG a eu la chance de tomber dans un groupe qui s'est avéré faible (aucune des trois autres équipes n'a fini dans le top 8), mais a été envoyée en Loser Bracket par Secret dès le premier tour. Elle s'est péniblement hissée dans le top 8, en se faisant rapidement éliminer. Des joueurs pas au mieux de leur forme (n0tail, notamment, n'a pas brillé dans le tournoi), une équipe manquant manifestement de préparation, l'exploit du mois de novembre n'a pas été réédité.

Palmarès de la saison

Période Tournoi Place Gains approximatifs
Juin 2016 ESL One Francfort 1 157 000 $
Juin 2016 Major Manille 1 1 110 000 $
Juin 2016 DreamLeague saison 5 1 50 000 $
Mai 2016 EPICENTER Moscou 3 60 000 $
Mars 2016 Major Shanghai 7-8 105 000 $
Janvier 2016 MarsTV League Winter 3 27 000 $
Novembre 2015 DreamLeague saison 4 1 55 000 $
Novembre 2015 Major Francfort 1 1 110 000 $


Après Shanghai, les joueurs ont fait le pari de rester ensemble jusqu'à la fin de la saison, alors que beaucoup d'autres équipes tentaient au contraire de se renforcer et de se renouveler en modifiant leur composition. Le pari était risqué, car il peut être plus ardu de sortir de sa zone de confort sans faire appel à du sang neuf. De plus, OG n'a guère disputé beaucoup plus de tournois au printemps qu'en hiver. L'EPICENTER de Moscou, en mai, a montré que le choix opéré en mars était le bon et que OG avait su se réinventer.

Le Major de Manille, un mois plus tard, a été triomphal, sans qu'il ait été pour autant une promenade de santé - NewBee notamment a donné du fil à retordre. La performance a été bien plus réussie qu'au Major de Francfort, puisque cette fois, OG a dominé le Winner Bracket tout du long, sans faiblir. Avec sa victoire en finale contre Liquid, sans appel, OG est devenue la première équipe à remporter deux tournois de Valve.

 

Les raisons d'un succès

Comment expliquer ce parcours sans précédent ? Les explications qui pourraient venir à l'esprit immédiatement ne sont pas forcément les plus pertinentes. Ainsi, si le talent individuel est bien présent et indéniable, il faut se rappeler qu'au moment de la formation, les joueurs de Monkey Business ne sont pas spécialement considérés comme excellant dans leur domaine respectif ; à cette époque, il n'est même pas certain que l'un d'entre eux ait été considéré comme faisant partie du top 5 mondial sur sa position. C'est plutôt au cours de la saison qu'ils se sont révélés et imposés comme tels.

De même, la stabilité de l'équipe depuis sa formation n'est pas nécessairement la clef de sa réussite : les équipes qui maintiennent leur composition sur une période longue courent en effet le risque de l'envasement, risque démultiplié après avoir remporté un tournoi à plusieurs millions - les exemples des vainqueurs successifs de The International sont là pour le rappeler. Conserver les mêmes joueurs favorise le conservatisme dans les plans de jeu, les automatismes et la stagnation de la dynamique du groupe, peut entraver la capacité à se renouveler et à se réinventer, là où intégrer de nouveaux joueurs permet au contraire d'absorber de nouvelles idées et force à se remettre à la tâche.

Nombre de parties jouées sur la saison : 190, dont 130 victoires (68,4 %)
Héros le plus joué : Dazzle (57 fois, 30 % du total)
Héros le plus banni par les adversaires : Io (106 fois, 55,8 % du total)
Nombre de héros joués au moins dans une partie sur dix : 21
Nombre de héros jamais joués : 18


Le succès de OG semble plutôt relever avant tout d'autres causes qui, combinées au talent et à la stabilité, ont abouti à un cercle vertueux. Tout d'abord, OG est un véritable groupe. Contrairement à bien d'autres équipes de haut niveau, elle ne se résume pas à la somme de ses parties : les cinq joueurs jouent les uns pour les autres, sans qu'une individualité écrase les autres. On pourrait aussi dire qu'il n'y a pas de "je" chez OG, mais uniquement un "nous". Cela se manifeste dans l'échange récurrent des positions des joueurs de cores mais aussi dans les choix d'objets de ces derniers - n0tail, en particulier, met son inventaire au service de son équipe.

La stabilité de la line-up depuis fin août ne semble pas être un choix par défaut pour maintenir ce qui marche, comme d'autres équipes ont pu le faire par le passé, mais qu'il semble plutôt découler d'une réelle volonté des joueurs eux-mêmes de continuer ensemble. Même s'il faut se méfier du storytelling et des extrapolations, l'image qu'a OG d'un groupe d'amis comporte certainement un fond de vérité.

De là, et de l'apport du coach 7mad recruté peu avant le Major de Manille, découle sans doute la capacité de l'équipe à se remettre en question et à progresser sans avoir besoin de changer un ou plusieurs joueurs. Au-delà du passage à vide de la fin de l'hiver, OG se caractérise en effet par un style de jeu extrêmement diversifié et évolutif. L'équipe ne se moule pas sur la méta dominante, elle l'infléchit, que ce soit en jouant des héros partiellement différents ou en les exploitant d'une autre manière. Cela rend plus ardu, pour les adversaires, l'anticipation des plans de jeu de OG, qui, à deux reprises cette saison et sur deux versions différentes, a clairement paru avoir un temps d'avance sur ses concurrents.

Leur meilleur héros : Crystal Maiden, 100 % de victoires en dix matchs
Nombre d'apparitions de Meepo : 10
Leurs pires essais : Treant Protector contre EG au Major de Francfort (KDA de 0,4) et Axe contre NewBee à l'EPICENTER (KDA de 0,5)

 

Les joueurs

Miracle-

"9k MMR boy", "meilleur joueur du monde", "are you ready for a Miracle ?" (nom d'une vidéo de midormeepo) : Miracle- est devenu en un an une véritable star déclinée en nombreux mèmes. En août 2015, pourtant, ce joueur polonais à la dégaine d'Harry Potter n'était que l'une des multiples pubstars recrutées par plusieurs équipes après TI5, pas forcément la plus en vue d'ailleurs. Miracle- n'avait derrière lui qu'une maigre expérience compétitive, trois petits mois chez Balkan Bears. Le mythe a grossi très rapidement, alimenté par son statut de plus haut MMR mondial (le passage à 9000 points a été scénarisé par OG et par l'équipe de l'EPICENTER). Pourtant, ce qui frappe à son propos est son humilité, en LAN, en public, comme en jeu - loin d'autres "génies" de Dota 2.

Aucune participation à un International.

Selon le draft, Miracle- joue au mid ou en safelane, alternant les postes avec n0tail. Il a généralement la priorité du farm (position 1), mais au printemps il a été régulièrement placé en position 2 sans que cela gêne l'équilibre de l'équipe. Il est sans doute l'un des joueurs les plus versatiles de la scène : sur ses quarante derniers matchs, il a joué dix-huit héros différents ; dans la DreamLeague du week-end dernier, il n'a pas joué deux fois le même.

Il est aussi très créatif, adaptant ses objets à chaque partie. Miracle- ne joue pas ses héros comme les autres pros, il sort des sentiers battus. Le meilleur exemple est sans doute son Alchemist qu'il n'a jamais joué Radiance, à rebours de ce qui se fait depuis un an, et avec succès. Son Antimage sans Batlefury face à NewBee à l'EPICENTER pourrait aussi être cité.

Héros-signatures : Shadow Fiend, Invoker, Antimage

 

n0tail

Joueur danois, n0tail (appelé BigDaddy la saison dernière) a été l'un des joueurs les plus en vue de l'équipe Fnatic sur HoN. Après son basculement sur Dota 2, il a évolué deux années au sein de la même structure, toujours avec son capitaine Fly. Après The International 2014 et l'éclatement de Fnatic, ils sont partis à deux pour rejoindre la première version de Team Secret. n0tail a été écarté en janvier 2015 et a alors rejoint Cloud 9, seul cette fois. Après TI5 et la disparition de cette équipe, n0tail a été le principal artisan de la construction de OG. Il faut relever que le joueur, réputé pour sa jovialité, a quelque peu perdu de sa superbe cette saison ; en LAN, il a de nos jours l'air fatigué, voire totalement déprimé.

The International 2013 : Fnatic, 7-8ème
The International 2014 : Fnatic, 13-14ème
The International 2015 : Cloud 9, 9-12ème

Sur Dota 2, jusqu'à OG, n0tail jouait support, principalement en duo avec Fly. Fin août 2015, il est passé à un poste de core qu'on lui connaissait dans le temps sur HoN. La transition n'a pas été toujours évidente, pendant une partie de la saison, n0tail a paru un peu en retrait, voire un point faible au moment du Major de Shanghai lorsqu'il se retrouvait en position 1. A Manille, en revanche, il a montré un excellent niveau de jeu, ce qui a permis une inversion efficace des rôles avec Miracle-. Comme carry/mid, n0tail joue de manière atypique : il se dédie entièrement à ses coéquipiers. Aussi ses builds sont-ils très orientés vers l'utilitaire, les auras, le tanking. L'esprit d'équipe personnifié.

Héros-signatures : Meepo, Dragon Knight, Tiny

 

Moon

Autre ancien de HoN, Moon (MoonMeander de son nom complet) a débarqué dans la compétition Dota 2 plus récemment. Ce Canadien a débuté sa carrière sur le jeu après TI4. Il passe une grande partie de la saison 2014-2015 chez Complexity Gaming, en dépit d'un arrêt de quelques mois à cheval sur l'hiver et le printemps. Il revient dans l'équipe coL en mai, au moment où Fly arrive, et a été l'un des piliers du parcours honorable réalisé à TI5. Il a ensuite accompagné Fly dans la création de OG.

The International 2015 : Complexity, 9-12ème

Moon est l'offlaner de OG. Il joue essentiellement le rôle d'un initiateur, souvent un héros force qui rentre dans la mêlée - beaucoup de Slardar ces derniers mois, par exemple - mais pas seulement (songeons à Batrider). A ce titre, il est souvent la tête chercheuse de la force de frappe en milieu de partie, celui qui permet de débloquer une situation en trouvant les bons kills. Son pool de héros à un instant T est peut-être plus limité que celui des autres joueurs, il tourne beaucoup autour de trois ou quatre héros sur chaque version. Ces derniers, il a surtout joué Batrider, Beastmaster et Faceless Void.

Héros-signatures : Slardar, Earthshaker, Spirit Breaker

 

Cr1t-

Cr1t- est sans doute, peut-être même devant Miracle-, la révélation de cette équipe. Ce joueur danois est dans le paysage compétitif Dota 2 depuis 2012... et n'avait jamais percé jusqu'à cette saison. Il est passé par de multiples équipes européennes, plus ou moins éphémères et sans grande réussite. Son recrutement par OG fin août 2015 est donc envisagé avec scepticisme - un bon joueur de pub games, mais pas un bon joueur en compétition. Il a clairement pris ses détracteurs à contre-pied, s'imposant régulièrement comme le MVP (most valuable player) du groupe, par exemple lors du Major de Manille.

Aucune participation à un International.

Cr1t- est le support "position 4" chez OG. Il reste peu avec son carry en début de partie, laissant ce rôle à Fly. Cr1t-, pour sa part, se consacre davantage à mettre du mouvement sur la carte, à créer des opportunités pour son mid ou son offlaner. Il joue en priorité des héros qui roam sur la carte (Earth Spirit, Elder Titan) ou qui vont pouvoir donner un coup de main décisif pour faire gagner une ligne. Il est aussi le Io du duo de supports.

Héros-signatures : Io, Rubick, Earth Spirit

 

Fly

Le capitaine de OG est une montagne de muscles venue d'Israël. Ancien coéquipier de n0tail dès l'époque de HON.Fnatic, il a dirigé plus de deux ans la line-up Dota 2 de Fnatic par la suite. Après The International 2014, il a été, comme n0tail, l'un des fondateurs de Secret, passant pour l'occasion au rôle d'offlaner (et se faisant appeler Simbaaa). Cela n'a pas été convaincant, il a été sorti en décembre 2014, entamant une traversée du désert de quelques mois. En mai 2015, il intègre l'équipe américaine Complexity. Il quitte cette équipe après TI5, emportant MoonMeander dans ses valises.

The International 2013 : Fnatic, 7-8ème
The International 2014 : Fnatic, 13-14ème
The International 2015 : Complexity, 9-12ème

En dehors de la brève parenthèse Secret, Fly est un pur joueur de support. Il est avant tout un soutien pour son carry en début de partie, même s'il joue parfois des junglers comme Enigma ou Keeper of the light. Cela explique qu'il évolue le plus souvent avec des supports défensifs. Chez OG, ses meilleures réussites sont son Phoenix (seize parties, quinze victoires sur les trois derniers mois) et, surtout, sa Crystal Maiden avec laquelle il est invaincue depuis la création de l'équipe. Enfin, il faut évidemment mentionner qu'il est le capitaine et le drafteur de OG.

Héros-signatures : Dazzle, Undying, Crystal Maiden

 

Conclusion

OG a définitivement prouvé par ses succès qu'une grande équipe n'est pas un regroupement fortuit de cinq excellents joueurs. Elle démontre parfaitement que Dota 2 est avant tout un jeu collectif, qui ne se résume pas au talent de ses individualités.

Elle aborde clairement cet International en position de favori. Seule équipe à avoir remporté deux tournois Valve, elle a semblé presque intouchable en juin. Elle sera l'équipe à abattre pour toutes les autres, comme Secret l'était l'an dernier à la même époque. Aussi une question se pose-t-elle : OG peut-elle ne pas gagner The International 2016 ? YouYou de la FroggedTV nous fait part de son avis sur la question.

Comme la question le sous-entend, OG est peut-être à l'heure actuelle l'équipe sur laquelle il paraît le plus fiable de donner un pronostic de victoire à TI6, avec ses résultats récents dans les compétitions majeures de cette fin de saison.

L'équipe a remporté beaucoup de victoires écrasantes, notamment sur des grandes finales (donc en Bo5) quasiment à sens unique. Peu d'équipes ont eu l'air de les effrayer ces derniers temps, mais maintenant le plus dur reste à venir pour cette jeune line-up talentueuse. En effet, l'événement le plus dense et le plus glorifiant de l'année va commencer.

OG a été et sera l'équipe la plus analysée de par ses résultats, aussi devra-t-elle faire attention à ne pas tomber dans la paresse comme ce fut le cas à la fin du Major de Francfort. Il lui faut continuer travailler sur ce phénomène d'innovation qui a fait la force de ces cinq joueurs.


Cette actualité provient de notre univers Dota 2.

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