Quels sont les réels enjeux de la réalité virtuelle ?
La réalité virtuelle et les casques 3D suscitent une certaine curiosité, mais pour quels enjeux réels ? Pour le vétéran Jesse Schell, il faut repenser les usages, d'abord en termes de communication puis d'immersion et d'interactions dans des mondes virtuels.
C'est en évidence, la réalité virtuelle perçue au travers de casques 3D suscite une vraie curiosité de la part des joueurs, voire du grand public -- en tout cas suffisamment pour que tous les géants de l'industrie des nouvelles technologies s'intéressent au sujet, que ce soit Facebook rachetant le studio Oculus VR, Sony et son Project Morpheus, ou Samsung et son Gear VR voire Google avec son insolite Cardboard.
Mais si la réalité virtuelle suscite de la curiosité, est-elle réellement plus qu'un simple gadget destiné à quelques initiés férus de nouveautés ou au contraire, une technologies s'adressant au grand public pour révolutionner les usages ? A-t-elle un réel intérêt ludique et à quelles conditions ? Ce sont les questions soulevées par Jesse Schell, vétéran de la réalité virtuelle. Et son avis présente sans doute un certain intérêt puisqu'il travaille sur la réalité virtuelle depuis le début des années 90 (à l'époque pour Disney et les attractions des parcs Disney, comme Aladdin et le tapis magique) et qu'il testait son premier casque 3D alors que « Palmer Luckey, le jeune créateur de l'Oculus Rift, portait encore des couches ».
De prime abord, selon Jesse Schell, la technologie a relativement peu évolué en vingt ans. Curieusement, les spécifications de l'Oculus Rift sont sensiblement les mêmes que celles imaginés chez Disney en 1995. La seule différence, et de taille, est le prix unitaire de l'appareil : « l'Oculus coûte 300$, notre version chez Disney coutait 300 000$ à produire, la version d'aujourd'hui est mille fois moins onéreuse ». Et évidemment, c'est l'une des (principales) clefs de la démocratisation des casques 3D. Mais sans doute pas la seule.
Car au-delà des appareils et de leur coût, le succès des casques 3D (qu'il imagine très progressif au cours des dix prochaines années) dépendra essentiellement des logiciels qui seront conçus pour les exploiter. On le sait bien, un périphérique n'est pas grand-chose sans programmes adéquat. Mais pour Jesse Schell, le véritable enjeu du succès de la réalité virtuelle dépend de la façon dont « on pensera son utilisation chez le joueur ». Et de prendre l'exemple du jeu console et du MMO, deux grandes « familles » de jeux.
Jesse Schell distingue ainsi les plateformes sous l'angle de leur localisation dans une maison : les consoles sont généralement dans les salons, le « coeur d'un foyer, un lieu d'échange, de passage et de partage » et les jeux sont conçus en ce sens (accessibles, visant à détendre le joueur, prévus pour être joués en famille ou entre amis). À l'inverse, les PC se trouvent plus souvent dans un bureau ou un espace plus volontiers dévolu au travail (le « cerveau » de la maison). On s'y installe pour s'y concentrer, pour réfléchir ou étudier et où l'on interagit plus avec l'extérieur qu'avec ses proches immédiats. Les premiers MMO étaient conçus en ce sens : plutôt techniques, chronophages, nécessitant de la concertation et des interactions hors du foyer.
Aujourd'hui, à l'heure des MMO sur consoles et des consoles connectées, les lignes se brouillent. Il n'empêche que selon Jesse Schell, les développeurs de programmes destinés aux casques 3D devront envisager où les appareils de réalité virtuelle seront utilisés. Aujourd'hui, ils relèvent plus d'une expérience solitaire et s'adressent à un public plutôt mature (et s'envisagent donc plutôt comme des appareils connectés), à l'inverse de la réalité augmentée qui trouve facilement sa place sur consoles et séduit surtout les joueurs les plus jeunes.
Les casques 3D s'envisagent donc comme des appareils immersifs et essentiellement connectés, dont l'un des enjeux est la capacité de communication des utilisateurs.
« Je pense que ce sera sa force. Pour ceux qui s'intéressent vraiment aux interactions onlines, les casques 3D seront l'outil ultime des interactions en ligne. Ce sera la première fois que vous pourrez avoir un contact visuel "les yeux dans les yeux" avec d'autres avatars. C'est quelque chose de déterminant et très concret. Le pouvoir des casques 3D en tant que média de communication est incroyable.
Je suis certain que finalement, c'est la raison pour laquelle Facebook s'est montré intéressé [par le rachat d'Oculus VR]. Il y a une voie à explorer. Nous devons toujours travailler sur un tracking efficace du regard, parce que c'est déterminant. Nous devons aussi travailler sur une reconnaissance efficace des émotions. Il y a encore beaucoup à faire pour en faire un vrai média de communication qui a du sens. Mais tout ceci est en cours. »
On le comprend, les casques 3D sont donc un enjeu d'immersion et d'interaction pour et entre les utilisateurs. Pour autant, selon Jesse Schell, le genre n'en est encore qu'à ses balbutiements dans la mesure où la réalité virtuelle n'appréhende finalement qu'un spectre minuscule de l'avatar : « avec les casques, vous n'avez plus de mains, les mains ne sont plus importantes, on s'adresse uniquement aux tétraplégiques ». Car si les casques « montrent un univers », ils ne permettent pas encore de se voir dans cet univers : les seuls mouvements du joueur restitués à l'écran son ceux de sa tête, mais ils ne captent pas ceux des mains ou des jambes. Et selon Jesse Schell, l'enjeu des (dizaines) d'années à venir consiste non seulement à immerger le joueur dans ces mondes, mais aussi à lui permettre d'interagir avec l'univers, en le dotant de mains et de jambes réellement « utilisables » dans l'univers virtuel.
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