Retour sur The International 2012
En attendant The International 2014, JoL Dota 2 vous propose de vous replonger dans la deuxième édition du championnat du monde 2012.
The International 2011 a permis à Valve de dévoiler au grand public pour la première fois Dota 2 en créant l'évènement : le tournoi au plus gros cash prize jamais disputé dans une compétition e-sportive. En 2012, Valve remet le couvert mais, cette fois, en mettant les petits plats dans les grands. Fi d'une organisation dans un coin d'un festival, fût-il la GamesCom de Cologne : cette fois, Valve sort le grand jeu pour éblouir ses invités... et les spectateurs : TI2 sera à Seattle, siège de la firme.
L'organisation du tournoi
Les informations commencent à sortir seulement pendant la deuxième semaine de mai. Valve fait d'abord monter la pression en lançant des invitations (à DK tout d'abord, puis à Na`Vi) et dévoile seulement le 11 mai 2012 la date et le lieu exacts de TI2. L'évènement principal a lieu au Benaroya Hall, une gigantesque salle de concerts de Seattle, du 31 août au 2 septembre. Il est précédé, du 26 au 29 août, par des phases préliminaires dans des locaux de Valve. Il est confirmé que seize équipes participeront cette année - comme la précédente - ce qui déclenche de vives spéculations sur les invitations à venir.
Seize équipes présentes
Les invitations tombent les unes après les autres : Orange (Malaisie) et Absolute Legends (Australie), puis Invictus Gaming (Chine) et compLexity gaming (USA). Le 21 mai, l'invitation d'EHOME (Chine) est annoncée, ainsi que la tenue de deux tournois permettant à une équipe asiatique et à une équipe occidentale de se qualifier. Est ensuite invitée l'équipe CLG (Suède) puis quatre équipes d'un coup : Evil Geniuses (USA), Zenith (Singapour), Darer (Bulgarie) et LGD (Chine). Moscow Five (Russie) et MUFC (Malaisie) complètent les invitations.
Début juin se tiennent les tournois de qualification. Après quatre jours d'affrontement entre huit équipes des deux grandes zones géographiques (Est/Ouest), mtW (Europe) et TongFu (Chine) remportent leur ticket pour Seattle.
Quatorze équipes invitées, deux qualifiées.
En tout, huit équipes viennent d'Asie, dont cinq sont chinoises. Huit autres viennent d'Occident, dont deux d'Amérique du nord et deux de l'ex-URSS.
Equipes occidentales Equipes asiatiques Na`Vi Evil Geniuses Invictus Gaming Zenith Darer compLexity gaming EHOME Orange Moscow Five CLG LGD MUFC* Absolute Legends mTw DK TongFu *L'équipe malaisienne MUFC n'est finalement pas présente au tournoi à cause d'un problème de visas. Elle est remplacée au pied levé par mousesports, une équipe allemande dont le capitaine est Kuroky, après un match de départage contre l'équipe chinoise World Elite, dirigée par Luo.
Un gigantesque show
Sur le plan du spectacle, Valve a déployé une impressionnante armada de moyens, surtout pour les phases finales. Le Benaroya Hall contient, dans son auditorium principal, 2 500 sièges et une vaste scène. Le public a donc une place de choix, face aux joueurs. Les deux équipes en lice sont isolées du bruit dans des petits bunkers transparents et sont donc visibles, tandis qu'un écran géant au-dessus de la scène retransmet la partie suivie par le duo de commentateurs de la partie.
Les commentateurs les plus connus et les plus populaires sont également présents pour l'évènement, couvrant à tour de rôle des parties. Six commentateurs ont été invités pour la seule langue anglaise, dont les toujours très actifs TobiWan, LD, Luminous ou Ayesee. Des commentateurs officiels en russe et en chinois sont aussi nombreux. En outre, Valve a installé un studio où quatre personnalités se retrouvent pour animer les interludes entre les parties.
Dans le "panel", on trouve quatre personnages (de gauche à droite sur la photo) :
- Bruno Statsman, un Argentin et l'un des fondateurs de DotaAcademy, qui apporte tout un ensemble de statistiques sur les héros joués, les objets... ainsi qu'un look totalement hors normes (qui empire avec les années)
- GoDz, un commentateur australien et l'un des fondateurs de la chaîne Beyond the Summit, spécialiste de la scène asiatique
- Nebula, un commentateur américain du studio Dotacommentaries qui a depuis cessé de commenter du Dota 2
- 2GD, un commentateur britannique, fondateur du GD Studio
Enfin, et cela n'a pas été pour rien dans l'accroissement de la visibilité du jeu, Valve rend accessible à tous la DotaTV. Autrement dit, même sans avoir de clef bêta, il est possible de suivre en direct les matchs, avec les commentateurs officiels, sans avoir à passer par des streams. Donc en réduisant drastiquement les risques de lag, les interruptions, etc.
Format et récompenses
The International 2012 s'inscrit à la fois dans la continuité et en rupture par rapport à TI1. Le format des rencontres s'agrandit, puisque la contrainte spatio-temporelle de la GamesCom n'est plus. Les phases préliminaires sont nettement rallongées puisqu'il n'y a plus que deux groupes de huit équipes, qui s'affrontent les unes les autres en deux manches, sur trois jours (format round Robin en Bo2). Les Bo1, particulièrement redoutables, n'existent plus qu'en Loser Bracket. Toutes les manches du Winner Bracket se déroulent en Bo3 (contre seulement les finales à TI1) et la Grande Finale reste en Bo5.
Les phases de groupe débutent le 26 août et s'achèvent le 28 (un seul match). Elles sont jouées en LAN, dans les locaux de Valve, sans public. S'ensuivent deux jours de repos ou de voyage avant le gros morceau au Benaroya Hall : les phases finales, auxquelles est convié les spectateurs qui ont acheté le ticket d'entrée. Elles s'étendent sur trois jours, le dernier étant l'acmé du tournoi. Les matchs se déroulent à l'heure américaine et finissent donc très tard dans la nuit européenne.
Les prix de TI2 sont identiques à ceux de la version précédente du tournoi : un million de dollars pour les vainqueurs et 600 000 dollars à partager entre les sept équipes suivantes. Les huit derniers, éliminés lors des deux premiers tours du Loser Bracket, repartent sans gains.
Le Benaroya Hall pendant les phases finales
Le déroulement
Phases préliminaires
Le 26 août commence très fort avec l'entrée en lice au tour 1 de trois des plus grosses équipes chinoises, LGD, DK et iG. Les trois écrasent leurs concurrents. C'est surtout les parties d'iG qui retiennent l'attention, puisque l'équipe inflige une défaite cuisante aux champions en titre, Na`Vi. La domination chinoise de The International 2012 s'établit donc dès le départ.
Le reste de la journée voit la domination de LGD sur son groupe, après avoir vaincu 2-0 Zenith, Evil Geniuses et DK. CLG a également enchaîné trois victoires, mais sans rencontrer une seule équipe chinoise. Dans le groupe 2, iG termine sur un honorable 5-1 (une partie concédée à EHOME). Na`Vi, en revanche, est à 2-4 seulement (une défaite et deux nulles) et se trouve en queue du groupe.
La journée suivante renforce la domination des équipes asiatiques. Dans le groupe A, LGD poursuit son irrésistible ascension avec trois victoires ; Zenith et DK font de même. CLG en revanche encaisse trois défaites (face aux trois monstres asiatiques). Evil Geniuses est la seule équipe occidentale qui s'en sort en vainquant d'autres équipes occidentales. Dans le groupe B, iG remporte ses trois matchs et fait la course en tête. Na`Vi entame la journée par une défaite face à Orange puis se reprend et gagne les deux suivants. compLexity Gaming termine sa deuxième journée sur un beau 5-1.
Le dernier match des phases préliminaires, le 28 août, ne fait que confirmer le classement attendu. LGD termine cette phase avec un écrasant 14-0 : seule équipe invaincue jusqu'alors, elle semble absolument invincible. Les trois équipes qui ont réalisé les meilleurs scores viennent de l'Empire du Milieu. Les champions occidentaux, Natus Vincere, ne parviennent en Winner Bracket qu'avec un médiocre 8-6.
Dans le Winner Bracket se trouvent donc trois équipes chinoises, deux équipes d'Asie du Sud-Est, deux d'Amérique du Nord et une seule d'Europe.
Groupe A | Groupe B | |||
LGD | 14-0 | iG | 13-1 | |
DK | 11-3 | compLexity Gaming | 9-5 | |
EG | 8-6 | Orange | 8-6 | |
Zenith | 8-6 | Na`Vi | 8-6 | |
CLG | 6-8 | TongFu | 6-8 | |
Absolute Legends | 5-9 | EHOME | 6-8 | |
mousesports | 2-12 | Darer | 3-11 | |
Moskow Five | 2-12 | mTw | 3-11 |
Valve a réalisé un court-métrage sur The International 2012, qui retrace en particulier les grandes étapes des phases finales.
Les phases finales
Les premiers tours des phases finales de The International sont toujours très tendues : à l'issue des deux premiers rounds du Lower Bracket (en Bo1), la moitié des participants sont éliminés et repartent sans récompense. La sélection naturelle est rude, la compétition impitoyable.
La déroute de l'Occident est consommée à ce moment-là : les huit premières équipes éliminées sont toutes occidentales, qu'elles viennent d'Europe, d'Amérique ou d'Australie. Dans les huit équipes restantes, seule Natus Vincere porte les couleurs de l'Occident face à sept équipes asiatiques, dont cinq chinoises.
Que dire sur ces phases finales sans se perdre dans les détails ? Na`Vi réalise un magnifique parcours en Winner Bracket, en rupture avec un très mauvais départ (il faut dire que le capitaine, Puppey, était malade au début du tournoi). Les Ukrainiens envoient successivement en Loser Bracket les équipes les plus fortes jusqu'alors : DK, iG et, en finale du Winner Bracket, LGD qui perd ainsi ses premières parties et son premier match de TI2. Championne occidentale, Na`Vi est acclamée tout au long de ses parties par le public de Seattle.
Natus Vincere connaît une impressionnante montée en puissance au cours du tournoi et parvient à adapter le métagame au fur et à mesure. Seule, elle se montre capable de dominer le combo Naga Siren / Dark Seer, qui est à l'époque le plus fort du moment. En Winner Bracket face à iG, Na`Vi réalise "The Play", un mouvement entré immédiatement dans la légende de l'équipe ukrainienne.
The Play, l'action légendaire de Na`Vi contre iG
Le Loser Bracket demeure extrêmement dangereux. Seules trois équipes réussissent à y survivre plus de trois tours : DK, TongFu et iG. Invictus Gaming, qui s'y trouve reléguée après le deuxième tour du Winner Bracket, parvient à éliminer tour après tour trois de ses concurrentes directes, EHOME, DK puis LGD, qui choit définitivement de son piédestal. iG, qui était considérée avant le tournoi comme inférieure à d'autres équipes chinoises, s'était beaucoup entraînée dans l'optique de TI2 et démentit les pronostics.
La Grande Finale
Contre toute attente, LGD n'accède donc pas à la finale du tournoi, qui oppose les champions 2011, Na`Vi, à Invictus Gaming. Les deux équipes se sont affrontées deux fois au cours du tournoi : 2-0 en faveur d'iG le premier jour des phases de groupe, 2-1 en faveur de Na`Vi au deuxième round du Winner Bracket. L'affrontement est désormais décisif.
Au cours de la première partie, iG impose son tempo. Avec un Night Stalker, les Chinois forcent l'action pendant la nuit et maintiennent le statu quo le jour. Ils utilisent ces phases jour/nuit du mieux possible pour creuser l'avantage. Après seulement une vingtaine de minutes, ils détruisent une partie de la base de Na`Vi, qui reconnaît sa défaite à la minute 28.
iG 1 - Na`Vi 0
Pour la deuxième partie, iG choisit quasiment les mêmes héros et réalise exactement les mêmes bans ; la line-up de Na`Vi varie un peu mais reste centrée sur Naga Siren et Dark Seer. Cette fois les supports de Na`Vi ne restent pas passifs pendant la première journée : Puppey sur son Chen étouffe totalement la Broodmother adverse. Night Stalker est neutralisé pendant la première nuit grâce à une excellente coordination. Les core adverses étant paralysés, Na`Vi entre dans la base ennemie avant la fin du premier quart d'heure. La victoire appartient aux Ukrainiens à la minute 18.
iG 1 - Na`Vi 1
La troisième partie conduit à des changements réels dans la phase de pick/ban. Le début de la partie est lent, iG jouant la montre en attendant que Lone Druid parvienne à obtenir sa Radiance. Un Disruptor remarquablement joué par Faith parvient à temporiser et à empêcher toute agression de la part de Na`Vi. iG parvient à s'emparer petit à petit du contrôle total de la partie, remportée minute 38. Na`Vi n'a réussi à réaliser que deux kills tout au long de cette troisième manche.
iG 2 - Na`Vi 1
La quatrième partie est décisive : il suffit à iG de la remporter pour remporter un million de dollars. Na`Vi choisit donc une composition très axée sur le push rapide, avec Juggernaut, Leshrac et Lone Druid. iG répond brillamment par un Keeper of the Light et un énorme potentiel de teamfight (Naga, DS, Tidehunter). L'action se concentre au départ sur la ligne du milieu, mais la partie reste assez calme. Na`Vi ne parvient pas réellement à push et à 5-man alors qu'iG contrôle la carte et creuse l'écart dans les graphiques. La situation de Na`Vi s'améliore après plus de trente minutes ; cependant iG temporise jusqu'à obtenir une Refresher Orb sur Tidehunter, ce qui lui donne la victoire minute 50.
Invictus Gaming devient l'équipe championne du monde 2012 et remporte l'Aegis of the Immortals.
iG 3 - Na`Vi 1
Place | Equipe | Prix |
1 | Invictus Gaming | 1 000 000 $ |
2 | Natus Vincere | 250 000 $ |
3 | LDG | 150 000 $ |
4 | DK | 80 000 $ |
5 | EHOME | 35 000 $ |
6 | Zenith | 35 000 $ |
7 | TongFu | 25 000 $ |
8 | Orange | 25 000 $ |
Les enseignements du tournoi
China rules
La scène compétitive chinoise en 2012 était clairement au-dessus de la scène occidentale. TI2 l'a démontré de manière nette, alors que tel n'était pas le cas l'année précédente - notamment parce que les équipes chinoises jouaient alors à DotA et que la transition n'avait pas encore été réalisée. Début 2012, elles passent dans l'ensemble définitivement sur Dota 2 et se sont adaptées à ses spécificités, tant au niveau du gameplay que du draft.
Qu'est-ce qui différencie alors les deux scènes compétitives ? La Chine est un territoire fermé, où les équipes jouent surtout entre elles. Le niveau d'exigence dans les équipes professionnelles est très élevé, les transferts sont validés par une autorité nationale. Dota 2 a remplacé DotA comme phénomène de masse. Les grands joueurs sont des stars. Les tournois sont peu nombreux, mais très bien organisés. Le professionnalisme se voit à tous les niveaux. Les équipes se sont longuement entraînées depuis le passage sur Dota 2, bien plus que toutes les équipes occidentales.
En Occident, la réalité est très différente. Les tournois y sont beaucoup plus nombreux, moins professionnels et sont moins souvent joués en LAN. Sauf pour quelques équipes, Dota 2 est une occupation secondaire, ou temporaire, pas une véritable carrière. Le management est moins développé, l'instabilité très forte dans la plupart des équipes. Na`Vi fait figure d'exception et, pourtant, reste bien moins préparée que les équipes venues de Chine.
Invictus Gaming, champions 2011 - ChuaN brandit l'Aegis
Le métagame de TI2
Au cours de The International 2012, le nombre de héros choisis a été exceptionnellement bas, alors que des nouveaux héros avaient été ajoutés en nombre depuis l'année précédente. A peine six supports purs présents dans plus de quinze parties, sept héros carry et neuf héros de solo lane ! En ajoutant la petite dizaine de héros versatiles, cela donne à peine une trentaine de héros présents régulièrement : les autres ont été presque inexistants et de nombreux héros n'ont été joués qu'une ou deux fois. (Et seulement quinze héros joués plus de 40 parties, un chiffre que l'on retrouvera identique lors de TI3 !)
Les carry les plus joués (dans plus de quize parties) : Morphling (78 parties, 58% de victoires), Lone Druid (60, 48%), Chaos Knight (36, 53%), Antimage (32, 59%), Templar Assassin (21, 67%), Naga Siren (19, 37 %) et Lycanthrope (17, 59%).
Les solo les plus joués : Invoker (80, 48%), Windrunner (55, 49%), Queen of Pain (42, 40%), Dark Seer (39, 62%) Beastmaster (35, 51%), mais aussi Bounty Hunter, Broodmother, Storm Spirit et Tinker.
Les héros polyvalents les plus joués : Leshrac (91, 54%), Tidehunter (87, 52%), Rubick (80, 63%), Nature's Prophet (55, 45%), Sand King (50, 46%), Enigma (45, 44%), Brewmaster et Night Stalker.
Les supports purs les plus joués : Venomancer (84, 50%), Chen (66, 47%), Enchantress (50, 45%), Shadow Shaman (47, 55%), Shadow Demon (31, 32%) et Crystal Maiden.
Certains héros, bien entendu, auraient pu être bien plus joués s'ils n'avaient été quasi-systématiquement bannis au plus vite : Lycanthrope ou Naga Siren ont été bannis dans 134 et 133 parties ! Dark Seer, Nature's Prophet ou Broodmother étaient à peine plus aimées. Globalement ces héros ont été pris autant que possible dès qu'ils étaient disponibles, sans forcément être si puissants que cela était redouté (Naga Siren enregistre notamment de piètres performances, idem pour Broodmother).
Ces chiffres témoignent finalement d'un certain enkystement des équipes professionnelles, qui perpétuent les mêmes bans sans se donner les moyens de contrer des stratégies réputées imbattables. Or, elles sont contrables, comme Na`Vi l'a montré contre iG et son combo Naga Siren + Dark Seer. Cette résilience des bans a empêché les équipes de se focaliser sur des menaces plus immédiates comme Rubick.
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